En décembre dernier, le réalisateur, Olivier Lallart, publiait sur Youtube son court-métrage, « PD » , en trois mois à peine, ce film de 35 minutes a séduit un large public et a cumulé plus de 2 millions de vues. Le film s’est donné pour mission de casser les clichés homophobes surtout ceux du quotidien, ceux qui passent presque inaperçus.  Pour Amiénois-e.fr le réalisateur, originaire de l’Oise, revient sur son succès, les réactions du public, les combats qu’il reste à mener contre l’homophobie et ses projets pour la suite.

« PD », Olivier Lallart © Les Faquins / Les Malandrins

On retrouve Olivier Lallart sur le parvis de la gare d’Amiens, il est de passage dans la capitale picarde. Depuis la sortie de son court-métrage, il enchaîne les interviews et les plateaux télé. Ce jour-là, il revient tout droit de Lille où il présentait sur France 3 son court-métrage. Avant de filer pour Clermont de l’Oise, ville toute proche de son village d’origine, le réalisateur a pris le temps de nous expliquer la genèse du film et les réactions qu’il a suscitées.

En préparation depuis 2019, « PD » retrace l’histoire de jeunes lycéens, Thomas et Esteban. Le premier plus émancipé, souffre du regard des autres mais ne s’empêche pas de ressentir un désir de plus en plus envahissant pour Esteban. Plus taciturne, hésitant et violent, Esteban ne peut néanmoins s’empêcher d’aimer Thomas sans pour autant se déclarer officiellement homosexuel. Commence alors pour les deux personnages une histoire d’amour et de rejet, le rejet de cette personne que l’on n’est pas prêt à devenir, le rejet de soi à cause du regard des autres. Lorsque l’on est homosexuel un problème se manifeste très rapidement, l’officialisation de l’orientation, le coming-out comme on l’appelle. Et ce coming-out est presque impossible pour Esteban qui ne s’avoue qu’à demi-mot son amour pour Thomas. Entre incapacité à être libre et le refus d’appartenir à des cases réductrices, le personnage d’Esteban est riche de sens pour le réalisateur. « A aucun moment dans le film je dis qu’ils sont homosexuels l’un ou l’autre, d’ailleurs il y a même le personnage d’Esteban qui a une copine » , précise Olivier Lallart.

« C’est l’idée de dire que l’on peut aimer quelqu’un du même sexe sans appartenir à ces fameuses cases »

La proximité qu’entretient le réalisateur avec ce personnage est vite perceptible et il n’hésite à l’avouer volontiers: « Comme je l’ai découvert très très tard, ça n’a pas été évident sur le coup, je l’ai un peu rejeté comme le personnage d’Esteban dans le film et ça a été très dur parce que pendant des années j’ai dit à tout le monde que j’étais hétéro, parce que je le pensais vraiment. »

« PD » prend alors des allures de revanche pour le réalisateur, comme pour éviter aux futures générations ce regret du temps perdu, de tout ce temps où on ne sait pas, où on n’ose pas être qui on se sait être en secret. Le regard des autres pèse souvent sur nos choix et finit par les dicter, le réalisateur picard en est conscient et met en scène ces pressions sociales qui poussent trop souvent à adopter des rôles qu’on ne devrait pas avoir à assumer.

« PD », Olivier Lallart © Les Faquins / Les Malandrins

Dans ce film, Olivier Lallart n’hésite pas à questionner nos habitudes langagières et sociales, par l’utilisation du mot « PD », par ces questions qui paraissent anodines parfois mais qui, lorsque l’on veut faire preuve de sincérité, finissent par être des déclarations revendicatives: « T’as une copine ? » « Non j’ai pas de copain« . Vous voilà démasqué-e et devenez un porte-étendard de la cause LGBT ou presque. « PD« , c’est ça, c’est l’histoire d’un coming-out quotidien, banal, jusqu’à cette danse finale où l’amour fait oublier le regard des autres qui n’a plus d’importance. L’histoire d’une émancipation avec son lot d’hésitation, de peur, de douleur et de violence.

 

Taillé pour faire réagir

Le court-métrage sélectionné 23 fois, a été présenté dans plusieurs établissements scolaires. Le décor du film, un lycée au sud de l’Oise, favorise les rapprochements de situations et pousse les spectateurs-trices à la parole et aux comparaisons: « Sur 4-5 interventions on a des jeunes qui changent parfois…la dernière fois…on a eu un jeune qui nous a dit « Ouais, j’vous avoue au début ça m’a dégoûté de voir les deux garçons s’embrasser, à la fin du film, je me suis dit « bon en fait ça passe » donc rien que cela j’ai trouvé que c’était fort » se souvient le réalisateur.

Le court-métrage salué par la Ministre déléguée à l’Égalité des chances, Elisabeth Moreno, ne laisse personne indifférent. Si le synopsis ne semble pas très original de prime abord, le film l’est par son équilibre entre intrigue amoureuse et discours luttant contre l’homophobie. Les scènes s’intercalent habilement dans un style de cinéma de l’après Dolan, un cinéma plein d’espoir et de douce amertume: à voir. 

L’interview