Alors que nous révélions dimanche dernier le parcours d’une employée de la collectivité qui a porté plainte pour « faux et usage de faux » afin de dénoncer, selon elle, de fausses attestations versées par les services de la collectivité pour instruire son dossier de demande de sanction disciplinaire, la mairie sort enfin de son silence.

Contactée à plusieurs reprises depuis vendredi 9 juin, la collectivité a réaffirmé que la principale concernée était Zohra B. et « qu’elle aura la possibilité […] de porter à connaissance ses arguments » en temps voulu devant un conseil de discipline, nous menaçant au passage de porter « plainte pour diffamation » suite « à l’intitulé de [notre] article. »

Hôtel de ville d’Amiens. Illustration. © CF

L’affaire commence en mars 2021. Zohra B. employée dans une école de la ville fait l’objet d’un rapport de demande de sanction de la part de l’une de ses supérieures directes. On lui reproche des paroles agressives ou, entre autres, l’utilisation intempestive de son téléphone. Le rapport est accompagné de trois attestations et au moins l’une d’entre elle aurait été falsifiée selon l’employée. Suite à ce constat, avec l’aide de Bruno Sacleux, délégué syndical CGT d’Amiens Métropole, Zohra fait part de ses suspicions de faux à la mairie d’Amiens accompagnées de preuves. Mais face à cet affront, les services concernés décident alors de réévaluer la sanction à la hausse et constatent après « une enquête interne » que Zohra aurait elle-même fourni une fausse attestation remettant en cause l’authenticité des documents versés au dossier. La collectivité l’accuse de « manœuvre frauduleuse dans le cadre de [sa] défense. »  Le litige entre la titulaire et la collectivité va durer plusieurs mois.

Le 15 décembre 2022, elle décide de déposer plainte contre X pour « faux et usage de faux » avec l’aide de Bruno Sacleux, un dépôt de plainte que nous avons consulté vendredi 9 juin, et qui revient sur la totalité du litige avec la collectivité et les supérieurs de Zohra. Sa plainte restée lettre morte, son avocat entend déposer une seconde plainte pour que « des investigations soient menées. »

Le sens du timing 

Contactée dès vendredi 9 juin afin d’avoir la version précise de la collectivité concernant le litige -au-delà des pièces du dossier- la maire d’Amiens a répondu à nos sollicitations le mardi suivant, suite à la publication de notre article.  « Je laisse le soin à l’administration de vous répondre, dans la limite de ce qui peut-être communiqué » précise Brigitte Fouré, le 13 juin, en fin de journée.

Après plusieurs relances auprès de son administration, la Direction Générale a fini par donner suite à nos sollicitations ce jeudi. Une réponse nous promettant « un retour ce jour conformément à l’orientation de Madame le Maire » mais concomitante à un article de France bleu Picardie retraçant l’affaire et publié trente-deux minutes auparavant.

Caractérisant le litige en s’appuyant sur des attestations supplémentaires versées au dossier, France bleu Picardie rapporte: « Zohra décrit un harcèlement de la part de sa supérieure : « Je n’avais pas le droit de manger avec mes collègues le midi, on m’obligeait à être seule dans un coin », raconte la quinquagénaire, dont la détresse a été décrite dans les attestations de deux psychologues différentes. Zohra y est décrite comme « très affectée, déstabilisée » par l’attitude de sa supérieure, qui « fédère les autres salariés autour de son projet, qui est la mise à l’écart » de Zohra. « Un cas de harcèlement au travail », écrit une psychologue. »

C’est à la suite d’une énième relance évoquant les détails diffusés par France bleu et envoyée en fin d’après-midi, que la Direction Générale d’Amiens Métropole finit par nous préciser que « la situation de Mme Zohra B. est toujours en cours d’instruction dans les services de la collectivité en vue de la convocation d’un conseil de discipline dans les mois à venir. Aussi aucun commentaire par la collectivité ne sera apporté aux éléments » publiés sur Amiénois-e.fr. Et de préciser finalement que la collectivité considère « qu’en application des procédures statutaires et juridiques, Mme B. aura la possibilité lors de la séance du conseil de discipline de porter à connaissance ses arguments et à l’issue de la procédure de faire un recours, auprès du Tribunal Administratif, des décisions qui seraient prises par l’autorité territoriale. »

L’affaire révélée; la Direction Générale d’Amiens Métropole menace « Amiénois-e.fr »

Interrogée quant à la plainte pour « faux et usage de faux » portée par Zohra B., la collectivité affirme également qu’elle n’a pas à « ce jour été sollicité[e] par les autorités compétentes. » Et de conclure que « l’intitulé de [notre] article est susceptible d’une plainte pour diffamation par la collectivité. »

« Ça y est, ça commence les intimidations ! » s’exclame de son côté, Me Stéphane Diboundje, l’avocat de l’agente au cœur du litige. Si la menace de la collectivité contre notre journal numérique indépendant reste floue, nous avons immédiatement demandé davantage de précision, une demande laissée sans réponse.

Le titre supposant une éventualité dans un cas de dépôt de plainte avéré et accompagné de plusieurs preuves, la collectivité ayant été contactée à de multiples reprises et les faits reprochés ayant été caractérisés par un autre média, l’intimidation envers Amiénois-e.fr interroge et ne permet guère de lever le voile sur le litige, où les deux parties adverses s’opposent « faux » contre « faux. »

 

 

Photo Une Montage Illustration. © CF

DT