[Info Amiénois-e.fr] Des responsables de la collectivité auraient falsifié des attestations afin de sanctionner une agente de la ville. Après avoir dénoncé les faits auprès de la maire d’Amiens, le niveau de la sanction disciplinaire a été réévalué à la hausse. Stupéfaite et accusée par la mairie de « manœuvre frauduleuse » , Zohra B. a porté plainte en décembre dernier pour « faux et usage de faux » ;  une plainte restée lettre morte jusqu’à ce jour.

 

Son avocat, Me Diboundje entend déposer une seconde plainte pour que « des investigations soient menées. »

Depuis plusieurs mois Zohra B. vit un véritable calvaire avec sa hiérarchie. Entre manœuvres sournoises et pressions perpétuelles, elle les accuse d’avoir falsifié des documents afin d’instruire un rapport de demande de sanction à charge contre elle. Zohra a porté plainte et compte bien rétablir la vérité.

Sur son visage, dans sa voix, on sent ces mois de douleur passés, recluse, chez elle. Vilipendée après avoir dénoncé de fausses attestations produites par sa hiérarchie pour constituer un dossier à charge contre elle, Zohra accuse le coup. Dans son regard, on sent la femme de caractère, dure, intransigeante, déterminée mais aujourd’hui blessée. Les yeux humides, la gorge serrée, la quinquagénaire, agente d’Amiens Métropole depuis 2016, se heurte avec fracas, à ce qui lui parait un mur d’injustices et de mensonges de la part de son employeur: « vous savez j’ai perdu mon mari il y a quelques années d’une crise cardiaque, mais cette fois, je me renferme sur moi, je ne sors plus » lâche t-elle au terme de l’entrevue, comme abandonnée de ses forces.

Ses forces, jusque là, elle les avait gardées pour dénoncer ce qu’elle vit comme une injustice et une manipulation de ses responsables : « qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ? ils n’ont jamais rien eu à dire sur mon travail ! » clame t-elle. Si la détermination est toujours présente ce vendredi 9 juin; la blessure persiste et les perspectives de guérison semblent s’amenuir pour l’amiénoise.

Agente dans une école d’Amiens Nord, Zohra pensait avoir trouvé sa place. Alors que ses relations s’enveniment progressivement avec sa supérieure de l’époque, le premier coup d’épée est donné le 16 mars 2021. Sa supérieure lui reproche son comportement et ses paroles agressives. S’en suit une procédure disciplinaire à son encontre agrémentée de griefs supplémentaires sur son temps passé au téléphone ou sur des « négligences dans le stockage des produits d’entretien. »

Zohra est stupéfaite, si la procédure n’a jusqu’à ce jour pas abouti, l’agente n’en reste pas moins touchée par la situation: « ma mère était à l’hôpital, j’ai du téléphoner plusieurs fois_on ne peut pas être humain un peu, parfois ? » justifie t-elle. Mais pour la collectivité, cette excuse n’est pas acceptable et ne peut être retenue: « à aucun moment vous n’avez fait part à votre supérieure hiérarchique de votre situation personnelle […] en outre les griefs relatifs à l’utilisation du téléphone portable […] dont il fait référence dans le rapport de demande de sanction […] font l’état d’un usage récurrent […] »

Des attestations falsifiées par la mairie d’Amiens ?

Le rapport de demande de sanction est accompagné de trois attestations, toutes composées de deux pages; l’une attestant « les propos du 16/03/2021 » sans les mentionner, et d’une seconde page comportant la pièce d’identité de la personne signataire de l’attestation. Pour son avocat, Me Diboundje, il n’y a aucun doute:  « ces attestations sont irrecevables. »

Extraits des pièces versées au dossier de Zohra, au cœur du litige. Ces attestations auraient été falsifiées par des responsables de la collectivité.

Contactant son représentant syndical CGT d’Amiens Métropole, Bruno Sacleux, Zohra obtient un témoignage clef; les cartes se rebattent. L’une des signataires des attestations affirme n’avoir jamais signé la pièce fournie par la mairie: « je certifie que je ne suis pas la rédactrice, ni la signataire de ce document » atteste par écrit la concernée, le 24 mars 2022.

« Je n’ai jamais donné ma pièce d’identité pour cette attestation. Ma signature a été imitée. Ma pièce d’identité a été donnée pour compléter mon dossier de titularisation en 2020 »

L’une des signataires des attestations fournies par Amiens Métropole pour sanctionner Zohra B. réfute l’authenticité du document

A bout, après des mois de lutte, Zohra prend son courage à deux mains et conteste la décision initiale des ressources humaines et remet en cause l’authenticité des pièces versées au dossier. Quelques mois plus tard, elle reçoit une réponse de Dominique Fiatte, directeur général des services d’Amiens Métropole, datée du 8 juillet 2022 « vous émettez des doutes sur l’authenticité des témoignages fournis par votre hiérarchie en transmettant l’attestation d’un des agents concernés qui réfute avoir rédigé et signé ce témoignage […] l’enquête menée n’a pas permis de confirmer la matérialité de vos observations. » Ce dernier « présume donc d’une manœuvre frauduleuse de [sa] part par la production d’une fausse attestation dans le cadre de [sa]défense […] A la lecture de ces éléments, j’ai décidé de reconsidérer le niveau de sanction et vous informe de saisir le conseil de discipline en vue d’une sanction du 2e groupe. » 

Après avoir dénoncé ce qu’elle estime une falsification, Zohra reçoit un rapport de demande de sanction plus élevée encore. Les Ressources Humaines l’accusent de « manœuvre frauduleuse« . Elle porte plainte.

L’annonce a de quoi faire pâlir Zohra. L’agente, pourtant en arrêt, ne se décourage pas pour autant et finit par porter plainte contre X pour « faux et usage de faux » , mi-décembre. Une plainte restée lettre morte six mois plus tard. A la demande du délégué syndical, une rencontre a été proposée à Brigitte Fouré, en présence de Me Stéphane Diboundje, l’avocat de Zohra B., une proposition que la maire a déclinée. Six mois après le dépôt de plainte, son avocat s’interroge sur les raisons d’un tel délai de traitement et veut durcir le ton: « j’entends désormais déposer une plainte contre X avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d’instruction d’Amiens pour que des investigations soient menées » conclut Me Diboundje.

Une nouvelle fois contactée en milieu d’après-midi ce vendredi 9 juin, Brigitte Fouré, la maire (UDI) d’Amiens et vice-présidente de la région Hauts-de-France chargée du personnel et du dialogue avec les syndicats, n’a pas donné suite à nos sollicitations.

DT