A l’occasion d’un vote au sujet de la sélection de la société basque Biltoki pour revitaliser la Halle au frais, Renaud Deschamps (DVD) a proposé de donner le nom de « Jean-Pierre Pernaut » à ce lieu regroupant des commerces de bouche délaissés par la population. Le conseiller municipal d’opposition a immédiatement été repris par la maire Brigitte Fouré (UDI) qui a souhaité rappeler que le nom avait déjà été choisi par le bureau municipal lors du décès du présentateur de TF1. « Les grands esprits se rencontrent » a feinté l’ancien adjoint de Brigitte Fouré presque fier de partager sa trouvaille.

Jean-Pierre Pernaut n’avait pourtant rien demandé.

Brigitte Fouré (UDI) et son ancien adjoint Renaud Deschamps (DVD) veulent rebaptiser la « Halle au frais » la « Halle Jean-Pierre Pernaut ». © Halle au frais

La Halle au frais périclite et ça n’est pas nouveau. Pour redynamiser le secteur en plein centre-ville d’Amiens au beau milieu d’un parking de voitures –troué et pourtant rénové désastreusement en 2017-, les élu-es de Brigitte Fouré (UDI/DVD) ont eu, entre autres, la bonne idée de mettre Jean-Pierre Pernaut au frais, enfin, à la halle, en lui donnant son nom. C’est du moins la volonté de la maire qui avait tenu l’idée secrète. Au préalable, elle doit être acceptée par la société Biltoki, alors chargée de donner un coup de jeune au lieu; et avec un nom pareil, c’est mal parti.

Ainsi, lors du conseil municipal, ce jeudi 23 juin, l’opposant Renaud Deschamps (DVD) a soumis la même idée: Jean-Pierre Pernaut devrait donner son nom à la halle marchande. « En hommage à celui qui a été l’un de nos meilleurs ambassadeurs amiénois et qui promouvait dans ses émissions les marchés et les commerces de proximité » a précisé l’élu d’opposition d’Amiens au coeur. Une proposition que Brigitte Fouré a tenu à rectifier immédiatement précisant que son bureau municipal avait eu l’idée avant son ex-adjoint; ce jeudi soir, on s’échauffait pour la paternité du mauvais goût.

Pernaut: tout un symbole

Enterré au cimetière de Louveciennes, à l’ouest de la banlieue parisienne, près du domicile familial où vit Nathalie Marquay-Pernaut, Jean-Pierre Pernaut a marqué plusieurs générations de télé/consommateurs collées devant la télévision à 13h. C’était donc tout naturel pour les élus de la droite conservatrice amiénoise, que de faire honneur à cette figure de TF1 en donnant son nom à un centre commercial.

Epinglé à de nombreuses reprises pour ses sorties de route sur les femmes, les homosexuels ou les exilés, tout aussi touchant eut il été, Jean-Pierre Pernaut est aussi un marqueur politique largement célébré par la majorité municipale amiénoise qui avait déjà fait savoir qu’elle réfléchissait, dès sa mort, à un lieu portant son nom.

Figure de la France des régions, Jean-Pierre Pernaut a cultivé toute sa carrière cette proximité avec sa région natale, la Picardie, tout en prenant soin de la garder bien loin de lui. Symbole politique d’une France conservatrice, Jean-Pierre Pernaut n’était pas réputé pour son ouverture d’esprit et sa modernité. Si ses propos ont parfois choqué les plus jeunes générations, ils leur rappellent les stigmates des générations précédentes.

Baptisé « Halle au frais« , « Halles du Beffroi » et bientôt « Halle Jean-Pierre Pernaut », les appellations ne manquent pas pour ce lieu que les amiénois fréquentent de moins en moins. Les produits, pas forcément locaux, de qualité similaire y sont plus chers que dans les marchés de plein vent et les amiénois se replient davantage sur les nombreux supermarchés ou supérettes du centre-ville aux amplitudes horaires plus importantes. La clientèle y est donc de moins en moins amiénoise et habite à la périphérie rongeant de plus en plus d’espace pour stocker les voitures garées.

Un embourgeoisement conservateur non assumé et délétère pour les amiénois-es ?

Les changements qui devraient être opérés pour cette halle marchande ont été salués par le groupe d’opposition de gauche (Amiens c’est l’tien) qui a émis toutefois quelques réserves sur les prix pratiqués et l’accessibilité à tous après la rénovation: « Sur la forme ça a l’air sympa, c’est vivant, ce sont des jeunes, c’est un peu tout le monde,  une interrogation quand même sur l’accessibilité d’une alimentation pour tous, a nuancé Julien Pradat (DVG) les prix resteront ils abordables ? Les circuits courts seront ils favorisés ? Il ne faudrait pas que ça rate sa cible et que ça s’adresse qu’à une partie de la population« .

Julien Pradat (DVG) élu d’opposition ‘Amiens c’est l’tien‘, a émis plusieurs inquiétudes quant aux répercussions sur le prix des aliments et leur provenance après la rénovation de la Halle au frais par la société basque, Biltoki.

« Sur les produits que l’on va y trouver, je tiens à rassurer tout le monde, les commerçants ne vont pas changer, a tenté de rassurer Nathalie Lavallard, adjointe au commerce. Nous sommes très très vigilants à préserver ces commerçants historiques pour beaucoup pour qu’ils soient toujours au même niveau de prestation et de charges » a t-elle conclu sans donner plus de précision sur la part d’investissement face aux bénéfices réels pour les amiénois-es.

Photo Une photomontage d’illustration FB / Paris Match