Fabien Dorémus vient de publier son premier roman. Et frappe un grand coup.

Prenez le sujet à priori très…ennuyeux. La découverte d’une mâchoire par Jacques Boucher de Perthes en 1863. À priori, vous lisez la quatrième de couverture, vous reposez rapidement le livre et vous filez boire une limonade dans le café le plus proche où vous allez remplir votre déclaration d’impôts. C’est toujours plus sympathique que de lire un bouquin sur un douanier reconverti en archéologue. Grave erreur.

La mâchoire évoque un sujet, certes très précis, mais qui porte en lui des personnages et une intrigue remarquables… Et qui se lit en une traite. Mais où se trouve cette fichue mâchoire ? Dorémus tisse son intrigue habilement et nous fait relire nos paysages picards.

Courez acheter ce livre (sans oublier de faire votre déclaration d’impôts).

La mâchoire, Fabien Dorémus, Éditions du Labyrinthe, 2023.

Quelles ont été les raisons qui t’ont poussé à écrire ce livre ?
Je n’avais pas prévu d’écrire un roman. Je cherchais une bonne histoire à proposer à un ami auteur de bande dessinée et un soir j’ai entendu une émission de radio qui racontait la découverte retentissante d’une mâchoire dans une carrière d’Abbeville au XIXe siècle. Je me suis dit qu’il y avait une bonne base pour une fiction. J’ai commencé à bâtir un séquencier (résumé des principales séquences d’un scénario) : je voulais montrer les enjeux scientifiques et sociaux de l’époque à travers une enquête presque policière. Il m’a fallu pas mal me documenter, ça m’a pris du temps. Quand le séquencier fut achevé mon camarade illustrateur n’était plus disponible. Alors, comme j’aimais bien cette ébauche d’histoire, j’ai tenté d’en commencer l’écriture.

Quel est ton rapport à l’écriture ?
Je ne suis pas un littéraire. Ma formation de base c’est la physique, la chimie, puis l’histoire des sciences et le journalisme. Je vois l’écriture d’abord comme un outil. Je prends du plaisir quand j’arrive à expliquer simplement des choses un peu compliquées. C’était un enjeu dans ce roman : que chacun puisse lire La mâchoire sans culture scientifique préalable ni connaissance particulière du XIXe siècle. D’après les premiers retours, ça a l’air de fonctionner.

Peux-tu nous décrire le processus d’écriture de ce livre ?
D’abord, j’ai travaillé sur la documentation ; j’ai sélectionné les informations essentielles et anecdotiques tirées de biographies, d’ouvrages d’archéologie, d’histoire locale, de journaux de l’époque, etc. J’ai lu plusieurs livres écrits par Jacques Boucher de Perthes et j’ai même injecté directement dans les dialogues du roman quelques extraits de ses œuvres. Une fois cette « matière première » extraite, il restait à faire le moins facile pour moi : écrire non pas factuellement mais – autant que faire se peut – joliment. Pour cela j’ai réécrit, encore et encore, jusqu’à obtenir un résultat qui ne me semblait pas déshonorant.

Quelles ont été tes sources d’inspiration ?
Tout est source d’inspiration dans les détails de l’écriture : la manière avec laquelle Agatha Christie laisse des indices dans une nouvelle d’Hercule Poirot ; une astuce narrative repérée dans un Nestor Burma de Tardi ; un zeugma parce que ça me rappelait ceux qui me faisaient marrer dans les textes de Pierre Desproges ; une référence à une chanson de Serge Reggiani ; un bout de slogan d’Olivier Besancenot, etc. J’ai voulu m’amuser avec tout ça.

Ton livre contient une postface qui permet de comprendre l’écriture de ce roman. Mais… C’était une volonté, une nécessité d’écrire sur la Picardie ? La Somme ?
Écrire une postface documentaire nous semblait, à l’éditeur et à moi, important dans la mesure où la fiction et la réalité entretiennent des relations ambigües dans le roman. Il fallait finir sur quelques éclaircissements ainsi que des pistes bibliographiques pour les plus curieux. Mais c’était aussi, pour nous, l’occasion de rappeler la richesse historique d’une région qui peine parfois à se mettre en valeur.

Tu prends appui sur l’histoire pour ce roman. Comment as-tu bâti ta documentation ? Tu as constitué un corpus d’archives ? Tu as toi même mené une enquête ?
Pas vraiment. J’ai commencé par me centrer sur Boucher de Perthes pour me faire une idée du personnage, de son parcours, de ses convictions. Je suis allé dans les bibliothèques d’Abbeville et d’Amiens pour consulter des journaux et plans de l’époque et quelques ouvrages introuvables autrement. Et puis après c’est parti un peu dans tous les sens : il me fallait connaître aussi bien l’équipement-type d’un chirurgien de la Grande armée que la situation économique des meuniers picards ou bien encore le nom des fleurs qui éclosent en avril. Des détails qui permettent de donner, je l’espère, à l’ensemble un aspect vraisemblable.

 

TOP 05

01 – Ta rue d’Amiens préférée ?
Le Quai de la Somme parce qu’au bout c’est presque la campagne.

02 – Le détail architectural d’Amiens que tu apprécies le plus ?
Les caves voûtées cachées sous la rue Metz-l’Évèque.

03 – L’endroit à Amiens où tout le monde est allé.. sauf toi.
Au Millenium ? Je parle aux plus de trente ans, là.

04 – L’endroit à Amiens où personne ne te soupçonne d’être allé ?
Personne ne me soupçonne ? Que ça continue.

05 – Le livre (roman, BD) qui symbolise Amiens ?
Le livre d’Amiens (éditions Encrage), un roman de Marie-Françoise Hiroux qui raconte magnifiquement
l’époque de la construction de la cathédrale.

La mâchoire de Fabien Dorémus, aux Éditions du Labyrinthe.