Flora Claudepierre habite le quartier Henriville, à Amiens. Depuis un an et demi, la septuagénaire en fauteuil roulant réclame à la municipalité l’installation d’un bateau pour descendre du trottoir. Après plusieurs courriers et de multiples appels, la situation est toujours au point mort, privant Flora de son autonomie.

Depuis aout 2021, Flora Claudepierre a fait de multiples demandes pour que la municipalité d’Amiens installe un bateau lui permettant de descendre du trottoir. L’accès se situe devant un passage piéton oublié.

Depuis qu’elle est arrivée en 2021 dans cette résidence détenue par le Crédit Agricole immobilier, Flora Claudepierre ne peut pas descendre de son trottoir. Située dans la rue Camille Desmoulins, la résidence, toute neuve, est déjà dans un triste état.

Flora nous reçoit dans son appartement du rez-de-chaussée, dans le couloir de son bâtiment trône un seau en dessous d’un plafond troué par l’humidité, le crépi de la façade y tombe déjà. Les portes, impossibles à bloquer en l’absence d’aimant, se referment sur le fauteuil et rendent les sorties difficiles. A ces obstacles dus à des défauts et des oublis dans la conception du bâtiment pourtant ouvert aux Personnes à Mobilité Réduite (PMR) s’ajoute un aménagement de l’espace public hostile et inadapté à son fauteuil. « Quand on construit un PMR, faut penser à tout […] Faut bien penser que quelque part, cette dame, faudra bien qu’elle descende » s’étonne Claudine Levillain, l’une des membres de l’association EIAMY qui l’accompagnent ce jour-là.

Souffrant de sclérose en plaques depuis 27 ans, Flora s’est fait opérer du dos. Les secousses provoquées par l’absence de bateau n’aident pas à aller mieux. Dépendante d’un tiers pour descendre du trottoir, son fauteuil et son estime d’elle-même semblent s’effriter un peu plus chaque jour: « je ne suis pas libre, pas autonome » lâche t-elle, éprouvée par la situation.

« Ça fait un an et demi que ça dure et la mairie ne fait rien »

En août 2021, après son premier courrier adressé à la mairie d’Amiens et « après de multiples appels, toujours rien, pourtant, quelqu’un s’est déplacé et il m’a dit ‘il n’y a pas d’argent, pas de budget, on verra en 2022″ se souvient la septuagénaire. Tenace, elle poursuit ses demandes. Son dos secoué et son fauteuil qui se détériore la poussent à réagir une énième fois. « Je l’ai payé, ça coute 3000 euros un fauteuil » s’agace Flora. Un second courrier, puis un troisième arrivent près d’un an plus tard, en juin 2022, annonçant des travaux imminents pour l’installation d’un bateau devant la résidence où trois personnes à mobilité réduite vivent et éprouvent des difficultés à descendre.

Flora, accompagnée des membres de l’association EIAMY, constatent de nombreux oublis dans toute la ville, un manque d’accessibilité et de considération.

Contactée, Valérie Devaux, la maire-adjointe (UDI) du secteur, remerciant « du signalement » , connait bien la situation et nous certifie « J’ai signé un courrier adressé à Mme Claudepierre lui annonçant les travaux » . Flora, elle, nous précise que le dernier courrier reçu remontait à juin dernier et que depuis, rien n’avait changé.

« Ça n’est pas juste pour nous, nous, on a deux roues mais on est comme tout le monde,  il y a des poussettes, des vélos, un bateau, ça sert à beaucoup de gens pour descendre » martèle Claudine Levillain. Pourtant comme le rappelle le ministère de l’écologie, la voierie comme refaite dans ce cas, à l’occasion de la construction de ces résidences, doit bénéficier entièrement d’un réaménagement adapté.

Il précisait, il y a peu, les avancées légales sur ce point: « Tous les travaux réalisés depuis le 1er juillet 2007 sur l’ensemble de la voirie (privée ou publique) ouverte à la circulation publique et sur les espaces publics- en agglomération-  doivent respecter le nouveau cadre règlementaire et prendre ainsi en compte la nécessité d’assurer progressivement l’accessibilité aux personnes handicapées ou à mobilité réduite avec la plus grande autonomie possible » , rappelant que cela concernait également « des travaux de réaménagement, de réhabilitation ou de réfection des voies, des cheminements existants ou des espaces publics, que ceux-ci soient ou non réalisés dans le cadre d’un projet de mise en accessibilité de la voirie et des espaces publics » .

Pour Flora, c’est aussi une question de considération et d’autonomie que les pouvoirs publics semblent rechigner à lui accorder.

A quelques mètres où nous nous sommes laissé-es aller à la conversation, trois arceaux pour les vélos flambant neufs trônent vaillamment le long de la façade de l’immeuble et font soupirer Claudine : « et ils ne servent à personne! On est devant une résidence, ils sont toujours vides, on voit les priorités… » .