Ce lundi, le Parti Communiste de la Somme réagissait à un article du Courrier picard donnant la parole à l’un des soutiens d’Eric Zemmour, Xavier Jesu. Dans un communiqué, la section d’Albert du PCF s’étonne de la banalisation de la candidature d’un multi condamné pour injures raciales et reproche au journal local quelques omissions qui participent à faire passer le parti du représentant d’extrême-droite, pour un parti politique « comme les autres« .
En réaction à un article publié dans le ‘Courrier picard‘ le 24 janvier dans son édition papier. Le PCF d’Albert a dénoncé une énième preuve de la banalisation des idées d’extrême droite dans le quotidien régional. La section politique accuse le média d’avoir omis plusieurs détails concernant la candidature d’un multirécidiviste.
Le Courrier picard participe t-il à la banalisation des idées d’extrême droite ? En donnant la parole à Xavier Jesu, soutien local d’Eric Zemmour, candidat déclaré à l’élection présidentielle, le journal local a fait bondir la section PCF d’Albert, près d’Amiens.
Dans un communiqué publié ce lundi 31 janvier, Arnauld Fouquet, conseiller municipal communiste d’Albert, accuse le journal local d’omettre plusieurs détails factuels quant à la candidature d’Eric Zemmour. Participant ainsi indirectement à la diffusion de propos xénophobes, homophobes, révisionnistes; récurrents chez le candidat mais condamnables par la loi. « Les propos et les informations recueillies procèdent à l’affligeante banalisation de l’extrême droite en laissant croire que ce « parti » (« Reconquête », le parti d’E.Zemmour)) […] est un parti « comme les autres« .
L’article en question, publié sur le site du Courrier picard le 23 janvier, prendra par ailleurs une tout autre allure dans sa version papier parue le lendemain. Drapeau bleu, blanc, rouge, grande affiche de Zemmour au beau milieu de la page tenue par son soutien local, Xavier Jesu; tout dans la disposition semble au service de la parole d’un soutien politique honorable. Mais pour Arnauld Fouquet « La nature de l’article et sa parution ne sont nullement remises en cause […] Le contenu de l’article est davantage questionnable. »
Alerte Rouge
Epinglé parfois pour ses maladresses frisant avec la xénophobie, la ligne éditoriale du Courrier picard s’éloigne de plus en plus de ses origines ouvrières et de son ancrage autrefois à gauche.
En 2020, le ‘Courrier picard’ avait fait les gros titres pour sa Une jugée raciste envers les asiatiques. Cette Une circule régulièrement dans les associations de lutte contre le racisme anti-asiatiques ou chez certains lecteurs du ‘Courrier picard’ pour symboliser le tournant conservateur du quotidien.
Difficile de donner tort à ses détracteurs, même si on ne peut pas tenir le média responsable de tous les maux qui frappent la région, les atermoiements du titre à prendre position sur des valeurs républicaines essentielles effraient de plus en plus son lectorat. Seul et unique quotidien papier d’information de la région, son positionnement éditorial suit son positionnement commercial, il faut plaire au plus grand nombre et même à ceux qui bafouent et piétinent allégrement les lois de ce pays. Pas étonnant qu’un racisme latent et une xénophobie crasse s’abritent sous la thématique de l’immigration, ici et là.
Ne s’appuyant sur aucun fait, ces discours sont le signe, à une plus grande échelle, d’une profonde remise en question de ce qui est de l’ordre du savoir et de ce qui est de l’ordre de la croyance. Des brouillages entretenus sous le quinquennat d’Emmanuel Macron, à tous les niveaux de la société, dans tous les milieux (ou presque) à commencer, dans les médias et la classe politique.
Un manque de contextualisation surfant sur un certain sens du mercantilisme* qui a contribué passivement à la banalisation de discours ‘révisionnistes’, racistes, misogynes ou homophobes. Et c’est bien ce manque de contextualisation que reproche le PCF de la Somme au quotidien.
La banalisation du mal
A la lecture de l’article en question, son titre (tronqué le lendemain, sur la version papier) « Dans les pas d’un partisan d’Éric Zemmour, (à la «reconquête» de l’Est de la Somme) » attire le regard par sa tournure. Jouant à la fois sur le nom du parti Reconquête et sur la volonté du candidat déclaré à conquérir le cœur des français afin d’être élu à l’élection présidentielle, le journaliste met en scène -consciemment ou pas- un discours normalisant et participant donc à la banalisation des idées d’un multirécidiviste. En effet, Eric Zemmour vient d’être condamné pour la 3e fois pour « provocation à la haine et à la violence« .
Mais le Courrier picard n’est malheureusement pas le seul média à utiliser un ton bien plus décomplexé vis-à-vis d’Eric Zemmour comparé à celui utilisé face aux « dangereux » petits malfrats locaux.
Dès les premières lignes de l’article, l’écueil ne se fait pas attendre:
« Le regard franc, la démarche assurée, la veste ajustée sur les épaules, Xavier Jesu a la politique chevillée au corps. »
Bien malheureux est celui qui ne présage guère de ce qu’il va suivre. L’article, nous donne en somme, des nouvelles du front politique, l’air de rien. Le sympathisant est décrit comme un ancien militant LR, un temps au FN, déçu, alors reparti chez Les Républicains et atterri chez Zemmour. Nous voila ravis. Pas d’explication sur les changements idéologiques du monsieur, entretenant par là, bien des confusions fortuites entre la droite traditionnelle et l’extrême droite. Qu’importe. Finalement, on n’a qu’à croire le bonhomme.
Et c’est finalement ce qu’il se passe. Xavier Jesu détaille les difficultés pour le parti d’Eric Zemmour à s’implanter dans la région, le collage des tracts « jusqu’à 2h00 » du matin et les difficultés de trouver des signatures d’élu pour permettre la candidature de Zemmour à la présidentielle. Un joli portrait qui nous inciterait presque en creux à marcher le dimanche matin aux côtés de Xavier Jesu, à la reconquête d’un pays qui n’existe pas.
Un manque de contextualisation que reproche le conseiller municipal d’opposition d’Albert, Arnauld Fouqet n’hésitant pas à lister plusieurs faits caractérisant le très jeune parti politique d’Eric Zemmour et omis par le Courrier picard: « Oubliée la condamnation récente du candidat pour provocation à la haine raciale.
[…] Oubliés les nervis des Zouaves de Paris tabassant en tout impunité les antifascistes. Oubliés le soutien apporté par le Parti de la France à la candidature de Zemmour. » Une démarche loin d’être factuelle de la part du quotidien qui semble s’éloigner un peu plus encore de ses grandes heures.Oublié le fusil braqué sur des journalistes (« pour rire »)
*vieille doctrine économique ou courant de pensée qui considère que « le prince, dont la puissance repose sur l’or et sa collecte par l’impôt, doit s’appuyer sur la classe des marchands et favoriser l’essor industriel et commercial de la Nation afin qu’un excédent commercial permette l’entrée des métaux précieux »
