Dans la nuit de vendredi à samedi, plusieurs jeunes étudiants amiénois auraient été victimes de discrimination à l’entrée de la discothèque Le Moon, à Amiens. La direction dément formellement toute discrimination et précise qu’un « serrage de vis » a été fait depuis ce week-end dans la sélection vestimentaire à l’entrée, « on a un business à faire tourner, on a des sélections à faire » se défend le propriétaire des lieux.

Contactée, SOS Racisme Amiens envisage de faire des testings dans plusieurs établissements de nuit de l’agglomération picarde.

Plusieurs étudiants ouest-africains accusent le club amiénois, Le Moon, de pratiquer une sélection discriminatoire à l’entrée. Photo d’illustration © Erasmus Amiens

« J’avais le souffle coupé » lâche Mahamat A. en repensant à la nuit de vendredi. Accompagné de ses amis, les trois étudiants tchadiens se sont vus refuser l’entrée de la boite de nuit. « Je suis revenu à trois reprises, à trois reprises, on nous a recalés. »

Habitués des lieux, Mahamat et ses amis ne comprennent pas pourquoi les Noirs sont soudainement ciblés dans la sélection à l’entrée de ce club amiénois. « Ça a commencé il y a deux, trois semaines » déplore le jeune homme. Mais ce vendredi, « peu avant 1h du matin, alors que des dizaines de jeunes franchissent la porte d’entrée de la dite structure où chaque semaine, on y trouve une ambiance festive » ça ne passe pas pour lui et ses amisSelon l’étudiant et plusieurs témoins, cette soirée « est juste pour une petite partie des jeunes, écrit-il peu après les faits de ce 3 septembre, il faut vraiment être un vrai Amiénois pour y avoir accès, surtout pas Noir ou Arabe d’origines Africaines. »

 

 

« Sur ordre de la gérante en personne arrêtée derrière les vigiles, l’entrée se fait d’une manière sélective, bref discriminatoire, accompagnée d’un méprisant éclat de rire »

Mahamat A., est selon lui victime depuis plusieurs semaines de discrimination de la part d’une discothèque amiénoise, Le Moon.  

Répondant à l’appel à témoins lancé très rapidement ce dimanche par SOS Racisme, C.N. et Didon D. étaient, d’après leur déclaration, sur place ce soir-là: « J’étais présent ce 3 septembre et même avant ça j’ai vécu des choses là-bas » glisse l’un d’entre eux à l’association.

Leur présence que nous confirme Mahamat A. ne laisse pas de doute pour eux; il s’agit bien d’une discrimination caractérisée, selon ces étudiants les personnes noires ne sont plus les bienvenues dans l’établissement de nuit.

« Blacky, il est de quelles origines déjà ? »

Contactée, la direction de l’établissement dément formellement toute forme de discrimination: « On a des employés de toute origine, c’est un comble de nous accuser de tout ça« , s’attriste la gérante, Angelique G. « Ils sont là, le vendredi, le samedi, d’origines gabonaises ou autres et sur l’ensemble de mon personnel, j’en ai peut être 4-5 d’européens, tout le reste c’est d’origines étrangères, il y a de toutes les religions » précise t-elle. « En plus, le propriétaire est d’origines kabyles et sur l’ensemble des établissements il y a des Gabonais, des Sénégalais, et regarde, Blacky, il est de quelles origines déjà ? Sénégalaises ? »

A côté d’elle, Laurent Z, le propriétaire de l’établissement, intervient:

« On a un business à faire tourner, on a des sélections à faire »

Laurent Z, le propriétaire

L’entrée est gratuite, j’ai été étudiant, je sais ce que c’est mais toutes les personnes qui viennent non parrainées, on évite, on est trop confronté à l’agressivité sociale ces derniers temps, on a eu des problèmes avec des piqueurs, on fait attention. »

La gérante admet volontiers que depuis ce weekend de rentrée, les exigences vestimentaires ont évolué : « il faut une tenue correcte, l’été, les shorts ça passait, aujourd’hui, c’est non. Un monsieur européen s’est présenté avec des tâches de graisse, je l’ai recalé. » 

« Les groupes d’hommes systématiquement recalés »

« Concernant la sélection, les gens que je recale moi, c’est soit par rapport à des incidents passés, soit que les personnes ne sont pas habillées comme on s’habille en discothèque, mais j’ai toute sorte de clientèle, je refuse aussi des européens, ceux qui viennent en short et les groupes de 5-10 garçons, juste pour éviter les incidents au cas où il y aurait une bagarre à l’intérieur.

Quand c’est un garçon qui vient avec une fille, les filles peuvent temporiser » précise Angélique avant de poursuivre « je ne laisse aucune fille dehors, c’est certain » .

Face à ces sélections, tous deux reconnaissent une forte hausse de l’agressivité des consommateurs, « la dernière fois, un pompier volontaire, un européen qui s’est fait passer pour un policier, il a tapé un scandale, tambouriné dans tous les sens, j’ai du appeler la police, il a été embarqué; on a le droit de refuser l’accès mais en aucun cas en fonction de la couleur de peau. »

Visiblement piquée par de telles accusations, photos à l’appui, la gérante nous montre quelques clichés choisis de sa clientèle.

Et pour montrer sa bonne foi, Angélique se dit même prête à rencontrer l’étudiant en question afin d’éclaircir la situation. De son côté Mahamat, s’est montré étonné « moi je consomme, je suis habillé correctement et mes amis aussi, je ne comprends vraiment pas et au delà de ça, ça n’est pas la question, aucune justification n’a été donnée dans ce sens« .

Si le jeune homme, dissuadé par ses proches, ne pense pas porter plainte à ce jour, une plainte collective pourrait être déposée selon SOS Racisme qui a recueilli plusieurs témoignages. L’association songe également à mettre en place des testings d’ici peu afin de vérifier si certains établissements de la ville auraient recours à des sélections discriminatoires.

DT