Entre « casserolades » et « comités de non-accueil » des ministres au président, la contestation se réinvente chaque jour remobilisant un peu plus les collectifs d’opposants. Vendredi, à Nesle, nous avons suivi un groupe de syndicalistes ‘Solidaires’ à l’un de ces comités d’accueil un peu spécial.

Vendredi, lors du trajet pour accueillir Christophe Béchu et Bruno Le Maire à Nesle, les manifestants, habitués aux grèves et blocages réguliers depuis plusieurs mois, semblaient malgré tout surmotivés de bon matin. Ici, pas de lassitude. Partie d’Amiens vers 7h00 et profitant de la route pour peaufiner les slogans et le spectacle contestataire, l’équipe de syndicalistes Solidaires que nous avons suivie lors du « comité de non accueil » des deux ministres, débordait d’énergie dès l’aube.

Vendredi, à Nesle, dans la Somme, C.Béchu et B.Le Maire étaient en visite dans une entreprise de transformation d’insectes qui vient de faire une extension, entre cinquante et une centaine de manifestants étaient présents toute la matinée. Craintifs, les ministres ne se sont à aucun moment montrés face aux manifestants retenus par des CRS et gendarmes tout aussi nombreux qu’eux.

Dans la voiture, certains ont hésité à ramener des casseroles par peur qu’on leur confisque et ont opté pour de petites clochettes, ça parle sifflets et même excitation face à l’action tout proche: « J’ai l’impression d’aller à Disneyland » glisse l’un d’eux. Pour Rémi Baudry aussi, l’énergie qui se dégage de la mobilisation le porte et pousse à agir collectivement: « moi, j’ai toujours l’énergie malgré tout, parce qu’en fait, il y a toujours quelque chose qui se passe, et c’est toujours quelque chose qui te remotive, je crois que ce qui démotive, c’est de faire grève et pas faire les actions à côté, ou sans se mettre en collectif ou en mouvement ensemble. »

Pour les manifestants qui font face à un exécutif qui tente de balayer le sujet brutalement et avec embarrassement, « ces comités de non-accueil » sont surtout un moyen « d’imposer son agenda politique, précise de son côté Léo Soissons, de ne pas se laisser faire par Macron qui avait décidé que c’était terminé, aujourd’hui c’est pas eux qui décident du calendrier politique c’est nous qui reprenons la main dessus […] ce qui est quand même pas mal. » 

Par effet miroir, face à la décomposition de la démocratie, « pourrir » l’agenda politique des revendications populaires et majoritaires contre la réforme des retraites semble être la seule option possible pour les manifestants.

Alors que l’intersyndicale promet une « marée humaine » le 1er mai, le rythme des actions et les scènes des ministres du gouvernement « sur le terrain » tantôt s’enfuyant, tantôt annulant leur venue ou se cachant derrière des militaires ou policiers, continuent de fédérer les opposants à la réforme, consommant ainsi un peu plus la fracture avec un gouvernement replié sur lui-même et coupé du réel.

DT