A Amiens, entre 200 et 300 personnes se sont rassemblées ce samedi 4 novembre pour demander un cessez-le-feu entre Israël et la Palestine. Parmi les prises de parole, le discours de Yasha Hourani, militante insoumise et soutien « de la solution à un seul Etat » face à ce conflit interminable, tranche avec la tradition diplomatique française. Mais le discours met surtout en lumière une humanité à deux vitesses. Une humanité sans gage de survie, bien loin de cet universalisme qu’une France prétend pourtant représenter.

Nous en publions des extraits.

Entre 200 et 300 personnes se sont réunies à Amiens pour un second rassemblement pour la paix entre Israël et la Palestine, ce samedi, devant l’hôtel de ville. Parmi eux, F.Ruffin (LFI/PicD) député de la Somme, Z.Hamdane (LFI) conseillère HDF ou bien encore F.Fauvet (PS) conseiller départemental de la Somme et E.Becker (LFI)  élue dans l’opposition à Amiens.

Discours prononcé par  Yasha Hourani, soutien pour « L’initiative d’un Etat démocratique » , à Amiens ce 4 novembre  lors d’un second rassemblement pour demander le cessez-le-feu au Proche-Orient.

« Le monde nous regarde et nous devrons tous rendre compte de ce que nous avons défendu à ce moment crucial de l’histoire. Prenons le parti de la justice ». Cette phrase clôture la lettre de démission du Directeur du bureau de New York du Haut-Commissariat aux Droits Humains des Nations unies. Dans sa lettre de démission du 28 octobre (NDLR dans une version traduite par Orient XXI), Craig Mokhiber remet l’ONU devant ses responsabilités. Il souligne l’ironie du sort que la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme ait été émise la même année où la Nakba a été perpétrée à l’encontre des Palestiniens. [….]  Il demande d’arrêter de prétendre que c’est un conflit territorial et de religions et de reconnaître que c’est un conflit disproportionnel où un état fort et colonisateur dépossède et persécute un peuple indigène sur une base ethnique.

« Craig Mokhiber demande d’arrêter de prétendre que c’est un conflit territorial et de religions et de reconnaître que c’est un conflit disproportionnel où un Etat fort et colonisateur dépossède et persécute un peuple indigène sur une base ethnique. »

Par ailleurs, il appelle […] au démantèlement de l’état raciste et colonial et à mettre fin à l’apartheid. (sic) Il demande de garantir le droit au retour de tous les réfugiés Palestiniens et le désarmement d’Israël dont l’arme nucléaire est une menace pour toute la région en cas de conflit généralisé. Il demande aussi à l’ONU de reconnaître que les Etats-Unis et d’autres puissances occidentales ne sont pas des médiateurs crédibles mais des parties prenantes dans ce conflit et complices d’Israël, et que l’ONU doit les engager comme tels. Enfin, il accuse la pression des lobbys israéliens sur les dirigeants de l’ONU.

La démission de Craig Mokhiber est gravissime et met à nu l’enlisement de l’ONU face aux pressions. Mais la portée de sa lettre transcende la situation actuelle en posant les fondements ultimes du règlement du conflit. Ça fait 75 ans que les Palestiniens sont tués quotidiennement, emprisonnés, expulsés, humiliés et par l’armée et par les colons armés, il faut le savoir. Mais après ce génocide, on ne doit pas accepter une solution moindre que mettre fin définitivement à l’apartheid. On l’a fait en Afrique du Sud. C’est possible de le faire en Palestine ! Nelson Mandela n’a-t-il pas dit en 1997 « Notre liberté est incomplète sans la liberté des Palestiniens » ?

« Les Palestiniens ont toujours été déshumanisés et traités comme terroristes. »

Nelson Mandela, Ghandidans ce panthéon des luttes anticoloniales, vous ne trouverez jamais, camarades, un seul Palestinien. Les Palestiniens ont toujours été déshumanisés et traités comme terroristes. Certes, vous allez me dire que Ghandi était le pèlerin du pacifisme mais je vous laisse revenir à ses propres paroles quand il reconnaît que le pacifisme était possible parce que l’Inde n’était pas affrontée à un colonialisme de peuplement et notamment quand il dit malheur à un peuple qui ne prend pas les armes pour libérer sa terre quand c’est la seule solution qui lui reste. (sic)

Et avant que je ne sois accusée grossièrement de faire l’apologie du terrorisme, je fais vite de reprendre les paroles de l’historien juif anticolonial, Ilan Pappé, au lendemain du 7 octobre : « les Palestiniens sont engagés dans une lutte pour la libération depuis 1929 [c’est-à-dire depuis le mandat britannique] et toute lutte anticoloniale a ses moments de gloire et ses moments difficiles marqués par la violence. Plus le colonialisme et l’oppression durent, plus l’opprimé devient violent et désespéré ».

Donc certes, nous tous condamnons la violence et regrettons au plus profond de nous-mêmes la mort de chaque civil, mais nous prenons notre responsabilité politique et historique de s’attaquer aux racines du problème afin de construire une paix durable.

« Les médias et la sphère politique dans le Nord Global ont cette capacité à décontextualiser les évènements. »

Comme si l’histoire qui précède n’a pas de conséquence. Notre responsabilité c’est de déconstruire les récits médiatiques, de définir le contexte historique des évènements sans lequel on n’arrivera jamais à la source de la violence et de poser une stratégie pour construire la paix » (Ilan Pappé). Le contexte historique est que cette bande de Gaza est sous occupation selon le droit international. Et selon ce même droit international, le colonisateur est responsable de la violence engendrée.

« Chaque acte, qu’il soit pacifique ou violent, entrepris par un peuple colonisé, est un acte de défense parce que l’agression initiale est la colonisation. S’il n’y a pas de colonisation, alors la violence prend un autre nom comme agression ou terreur. »

Ils ont tout fait pour décrédibiliser la France Insoumise pour avoir utilisé à justice le terme « crimes de guerre » pour nommer l’attaque du Hamas, alors qu’en réalité ils n’ont fait que reprendre les termes de l’ONU. Les massacres de civils Palestiniens à Sabra et Chatila commis par les Phalanges libanaises sous le commandement de Sharon n’ont jamais été qualifiés d’actes terroristes, mais de crimes de guerre, qui peuvent ainsi être soumis aux enquêtes de la Cour Pénale Internationale et être condamnés par la justice.

Utiliser le terme « terroriste » c’est encore une fois déshumaniser les Palestiniens et leur refuser le droit à la résistance. Mais quelle arrogance ! Quelle arrogance de se penser, nous Français, comme enfants et de la Révolution et de la Résistance, en refusant aux autres le droit de se révolter, de résister ! Mais que pensent-ils ces arrogants qui nous gouvernent ? Que le peuple Palestinien doit accepter la souffrance et d’être traité comme des citoyens inférieurs sur leur propre terre ? Qu’ils se détrompent, une manifestation au centre de Gaza hier scandait « la mort et pas l’humiliation. »

« De Villepin a raison de dire  qu’ils n’arriveront jamais à bout de la cause palestinienne.« 

Ce qu’ils sont juste en train de faire, c’est de rabaisser la position de la France dans tout le Sud Global, ça veut dire la majorité de la population de cette planète, qui se soulève pour condamner le bombardement de la bande de Gaza.

Camarades, pour continuer à défendre la cause palestinienne, n’oubliez jamais qu’il faut toujours se munir du courage certainement, mais surtout du savoir. Sinon, ils nous réduiront au silence avec leurs arguments bidons. En 2019, ils ont voulu passer une résolution assimilant l’antisionisme à l’antisémitisme. 127 universitaires et intellectuels juifs d’Israël et d’ailleurs leur ont alors adressé une tribune publiée dans Le Monde. On peut y lire : « Pour les nombreux juifs se considérant antisionistes, cet amalgame est profondément injurieux. L’antisionisme est un point de vue légitime dans l’histoire juive, et il a une longue tradition, y compris en Israël. Certains juifs s’opposent au sionisme pour des raisons religieuses, d’autres pour des raisons politiques et culturelles. De nombreuses victimes de l’Holocauste étaient antisionistes. Le projet de résolution les déshonore et offense leur mémoire ». La tribune insistait sur la nécessité de ne pas confondre racisme et critique légitime d’un Etat et de sa politique, et sur les risques d’occulter ainsi les efforts de lutte contre le vrai antisémitisme.

« Pour continuer à défendre la cause palestinienne, n’oubliez jamais qu’il faut toujours se munir du courage certainement, mais surtout du savoir »

Maintenant il paraît que le Sénat dépose une proposition de loi pour sanctionner l’antisionisme (NDLR déposée le 10/10/2023) Si on critique l’Etat d’Israël on risque jusqu’à cinq ans de prison et 100 000 euros d’amende. ( NDLR La proposition de loi prévoit: « Ceux qui, par les mêmes moyens, auront directement provoqué à la haine ou à la violence à l’égard de l’État d’Israël seront punis de cinq ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende. ») […]

Le déplacement des populations est reconnu comme crime contre l’humanité. Et le gouvernement macroniste est en train de parrainer ce crime. Notre responsabilité est de ne pas accepter que cela soit fait en notre nom. Battons-nous pour changer ce cours amer de l’Histoire. Battons-nous contre l’impérialisme et la ségrégation » a t-elle conclu prônant une solution à un seul Etat démocratique et laïque contrairement à la diplomatie française qui a de coutume, œuvré pour une solution à deux Etats.