Depuis 4 ans Boubacar Sow, lycéen à l’Acheuléen à Amiens, vit chez Guy de la Motte Saint-Pierre. L’ancien président d’On a marché sur la bulle et humanitaire retraité l’héberge depuis un appel lancé sur les réseaux sociaux par le Réseau solidaire amiénois, en 2017. Mais depuis plus d’un an, Boubacar est menacé par une Obligation de Quitter le Territoire Français. Alors qu’il avait trouvé une stabilité auprès de « Monsieur Guy » comme il l’appelle, voilà le jeune Guinéen face à une incertitude des lendemains, brutale à gérer.

Pour aider Boubacar, à 74 ans, Guy est prêt à faire une grève de la faim. Ce mercredi 5 mai, il se rendra à la Préfecture de la Somme pour y déposer une lettre, pieds nus, demandant la régularisation du lycéen. Nous les avons rencontrés chez Guy de la Motte, à Amiens, il y a quelques semaines. Depuis, la pétition qui fait état de la démarche du septuagénaire amiénois, rassemble près de 15 000 signatures.

En septembre, le tribunal administratif d’Amiens a annulé l’obligation de quitter le territoire mais la préfecture a fait appel de la décision. « On a fait tout comme il fallait, répondu à tous les critères, il a réussi son CAP et son BEP, il est intégré, alors maintenant ça suffit ! J’ai décidé de faire une grève de la faim et de déposer une lettre à la Préfecture pieds nus » lâche Guy. Usé par les aléas de l’administration, Guy semble déterminé à déposer un courrier faisant état de sa colère face à la situation de Boubacar et Sidiki Touré, menacé également par une OQTF et longtemps hébergé par Guy de la Motte Saint-Pierre.

« Comme mon fils »

Cette détermination le pousse à entamer une procédure d’adoption pour reconnaître officiellement Boubacar comme son fils. Le chemin pour obtenir les bons papiers et braver les processus administratifs est long.  Pour Boubacar c’est une bonne nouvelle, il a accueilli la proposition avec soulagement, son père biologique est toujours en vie mais il a perdu contact avec lui il y a quelques années. Alors dans sa solitude, Boubacar se dit qu’il a tout de même trouvé de l’aide auprès de Guy de la Motte Saint-Pierre. Ce samedi d’avril où nous le rencontrons,  il a vite envie de parler de ses rêves, professionnels surtout, le reste ne lui semble pas encore permis. Boubacar veut travailler dans l’aménagement et l’agencement intérieurs, il prépare un Bac pro aménagement et finition à l’Acheuléen. Ce samedi là, un sac de sport l’attend à l’entrée, il va rejoindre quelques amis en extérieur histoire de se détendre un peu, feindre les habitudes d’une jeunesse qui lui échappe tant.

Guy de la Motte Saint-Pierre, chez lui, à Amiens, le 17 avril 2021.

Interrogé sur la détermination de Guy qui souhaite entamer une grève de la faim pour sa régularisation, très vite Boubacar avoue son inquiétude: « Je ne suis pas pour mais c’est sa décision. » Reçu à la Préfecture d’Amiens ce lundi 3 mai, « Il a été précisé (à Guy de la Motte) que l’ouverture d’un dialogue plus respectueux et plus constructif était souhaitée, et que des démarches polémiques ne permettraient pas d’aboutir à une solution » a t-on fait savoir. « Mes enfants sont un peu fâchés, ils s’inquiètent surtout pour ma santé » reconnait de son côté Guy de la Motte qui préfère balayer les inquiétudes sur son état de santé d’un revers de main.

Des liens de solidarité ?

Encouragé par de nombreux internautes, Guy a reçu un appel de Stéphane Ravacley, le boulanger de Besançon qui a engagé une grève de la faim début janvier pour obtenir la régularisation de son apprenti. Une influence que Guy de la Motte admet volontiers et qui lui a donné beaucoup d’espoir.

Autant d’espoir pour Boubacar et Sidiki qui demeurent pourtant encore dans l’incertitude. A Amiens, un flasmob est organisé ce mercredi à 10h, place Gambetta, les personnes présentes sont invitées à lever une pancarte avec le nom des deux Guinéens et le mot régularisation au verso avant que Guy ne remette la lettre pieds nus à la préfète.

Le septuagénaire aime les symboles forts et se présente souvent comme un humaniste, comme pour d’autres qui tentent d’aider des personnes en situation irrégulière, sa démarche est louable et ne peut être que saluée. Mais pour Boubacar c’est aussi l’occasion de remettre sa vie entre les mains de son futur père adoptif quitte à masquer difficilement les stigmates d’une démarche un brin paternaliste, Ô combien ici nécessaire pour ce jeune de 19 ans, mais qui dans d’autres cas pourrait apparaître comme les vestiges d’un néocolonialisme inavoué dissimulés derrière un paternalisme illusoire; la faute aux lois anti immigration qui se veulent intransigeantes parfois, ignorant souvent les individus, leurs parcours ou leur environnement, sans réaliser que cette ignorance participe largement à perpétrer des schémas de domination caractéristiques du passé colonial français.

Retrouvez la pétition sur Change.org