Une semaine après le début des révoltes urbaines suite à la mort de Nahel M. tué par un policier à Nanterre, la France semble plus que jamais fracturée. Les violences et dégradations dans les quartiers laissent le champ libre aux extrémistes de tout bord qui font feu des dernières carcasses de voitures encore fumantes: la France des colons et des racistes part en croisade ignorant stigmatisation systémique et incitation à la haine.

1, 636 200 million d’euros pour un meurtrier présumé 

Le polémiste d’extrême-droite, Jean Messiha, a lancé une cagnotte de soutien à la famille du meurtrier présumé du jeune Nahel M., tué mardi dernier à Nanterre. Le policier maintenu en détention, a été mis en examen  pour « homicide volontaire. »

Me Yassine Bouzrou, l’avocat de la famille, dénonce des « manœuvres frauduleuses visant à tromper les personnes » participant à la cagnotte. D’après l’ancien-porte parole d’Eric Zemmour, Jean Messiha, il y aurait plus de 100 000 donateurs.  La cagnotte en faveur du policier dépassait les 1,6 million d’euros à sa clôture mardi 4 juillet à minuit.

Malgré les signalements effectués par les députés Mathilde Panot (LFI) et Arthur Delaporte (PS) et la plainte de la famille, aucune enquête n’a été ouverte par le parquet de Paris à ce jour. Le polémiste à l’intention de porter plainte à son tour.

Racisme, colonialisme et ethnocentrisme décomplexés

Une cagnotte qui légitime directement une parole raciste aux relents coloniaux où les populations des quartiers qui pour certaines issues de l’immigration seraient coupables de ces violences; pires qu’elles seraient à dompter au regard de leur niveau « d’ensauvagement » supposé; rhétorique classique de l’extrême-droit et terreau fertile du néofascisme hiérarchisant la société sous forme de races, de cultures, de civilisations, de religions ou d’identités.

Le sénateur LR, Bruno Retailleu, a illustré au micro de France Info, la dérive idéologique qui frappe une certaine partie de l’opinion au mépris des faits.

La caste politique au service d’elle-même

Il faudra attendre une attaque à la voiture bélier d’un élu de l’Haÿ-les-Roses pour que la classe politique réagisse et se réunisse ce lundi 3 juillet devant les mairies. L’invitation lancée par David Lisnard, maire LR de Cannes et président de l’Association des Maires de France (AMF), dimanche, sur TF1.

Dans un communiqué, il appelait à « une mobilisation civique des citoyens pour un retour à l’ordre républicain », l’AMF soulignait alors que « depuis mardi dernier, des communes sont partout en France le théâtre de troubles graves, qui ciblent avec une extrême violence les symboles républicains que sont les hôtels de ville, les écoles, les bibliothèques, les polices municipales. » A la fin du week-end pourtant, les violences avaient diminué.

Menaces de rupture des principes d’égalité pour les familles et mélange des pouvoirs

Alors que la suspension des aides sociales des familles de personnes ayant commis des dégradations a largement été défendue par l’extrême-droite et la droite, Emmanuel Macron a multiplié dans un premier temps les appels à « la responsabilité » des parents, mais il a également très vite été tenté de recourir aux menaces envers les familles. « Il faudrait qu’à la première infraction, on arrive à sanctionner financièrement et facilement les familles » précisait-il ce lundi soir au Parisien. Et d’ajouter qu’il faudrait agir « au cas par cas. »

D’autres sanctions ont été évoquées, notamment via le pouvoir des mairies qui pourraient sanctionner les familles en les privant d’accès à la cantine, à un logement, à une épicerie sociale ou à des aides pour réduire les factures énergétiques; rendant le ou la maire juge d’un accusé qui n’a même pas commis le délit; la confusion entre les pouvoirs est totale.

 

Vices de procédures pour les uns, justice pour l’exemple pour les autres: le temps des compromissions 

Dans les comparutions immédiates lundi 3 juillet au tribunal correctionnel de Bobigny, un seul dossier a pu être examiné sur le fond parmi de nombreuses interpellations. Alors que la loi l’exige, les policiers les ayant arrêtés n’ont ni daté, ni signé les fiches d’interpellation. «Un problème de régularité évident, a précisé le procureur de la République. C’est frustrant car l’infraction est grave» rapporte Libération.

Dans plusieurs tribunaux comme au Tribunal d’Amiens, les comparutions immédiates des personnes ayant commis des dégradations ont par ailleurs été interrompues par la grève des greffières ce lundi. Autant de couacs attestant de dysfonctionnements profonds dans la machine judiciaire.

Lorsque le dossier des interpellés était en bonne et due forme, certains ont écopé de peines extrêmement lourdes décrites par plusieurs journalistes assistant aux comparutions.

Autant de compromissions et de raccourcis, après plusieurs jours de violences urbaines largement exploités par la classe politique se vautrant dans une France fracturée, opposée et rongée par la haine des uns et des autres, loin d’un quelconque « ordre républicain. »