Dans la première circonscription de l’Aisne, la campagne de Charles Culioli, candidat investi par le Parti Socialiste sous la bannière du Nouveau Front Populaire pour les élections législatives du 30 et 7 juillet, détonne. Entre organisation sur le terrain millimétrée et communication bien léchée mais spontanée, l’avocat de 27 ans semble déterminé à faire face aux côtés des habitants de ce territoire oublié par les politiques publiques, malgré une union des gauches obtenue de justesse.

On l’a suivi ce mardi entre Laon et La Fère, dans sa campagne éclaire qui a déclenché une certaine frénésie sur les réseaux sociaux.

Charles Culioli est le candidat PS-NFP sur la 1re circonscription de l’Aisne face à Nicolas Dragon, le député RN sortant.

Il est 7h45 et nous voilà plantés au beau milieu de la place d’Armes de La Fère encore déserte mais déjà sous un soleil de plomb. La garde rapprochée de Charles Culioli arrive tout juste pour assister aux « Mardis de l’économie » organisés par L’Aisne Nouvelle en partenariat avec le Crédit Agricole et la CCI de l’Aisne. Son attachée de presse, Ludivine Préneron, militante de gauche de Seine-Saint-Denis, dynamique et réactive arrive tout sourire les cheveux encore mouillés tout en s’excusant de son retard. Les traits sont tirés et la fatigue se fait sentir de plus en plus à quelques jours du premier tour. « On dort peu, c’est vrai » soupire Charles pourtant aussi frais que dans ses publications sur les réseaux sociaux.

Sur ses réseaux, on voit le candidat sans cesse manger. Ses fans s’en amusent volontiers et n’y vont pas de main morte sur Twitter. Mais Charles Culioli promet qu’il ne fait pas que manger des glaces, des éclairs ou des camemberts, l’avocat sait aussi croquer dans le patronat pour protéger les travailleurs.

Dans cette circonscription, le député du Rassemblement National, Nicolas Dragon est candidat à sa réélection. Mais à la différence de Charles Culioli (PS/NFP), le candidat pro Bardella n’a pas besoin de faire campagne ni même d’accepter de débats avec les autres candidats et encore moins d’afficher des résultats sur son mandat précédent, il surfe sur la vague: « faut se rendre compte que le seul amendement qu’il a déposé c’est pour interdire les jets privés, c’est bien mais est-ce que ça aide les habitants ici ? On ne voit pas beaucoup de jets privés dans le coin » ironise le candidat socialiste.

Et ce coin de l’Aisne, Charles Culioli le maitrise du bout des doigts. Le candidat du Nouveau Front Populaire n’est pas un parachuté. C’est un gamin du coin, parti à Paris pour les études et revenu une fois terminées. Son récit que l’on connait si bien est celui d’une jeunesse picarde plutôt debout que couchée face aux injustices et revenue sur ses terres rurales trop souvent condamnées à l’oubli par les pouvoirs publics. Alors quand on lui pose la question pour savoir qui serait Premier ministre en cas de victoire de la gauche et que l’on cite habilement François Ruffin ou La France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon, les yeux du candidat socialiste s’illuminent un instant avant de se ressaisir: « je serai pour le candidat le plus apte à rassembler toute la gauche mais François Ruffin c’est pas LFI, c’est surtout Picardie debout » glisse Charles Culioli. Et de poursuivre: « les accords du Nouveau Front Populaire précisent que le premier ministre en cas de victoire de la gauche devra être élu député et Jean-Luc Mélenchon n’est pas candidat pour ces législatives. » Fin du game.

Dans cette première circonscription de l’Aisne comme ailleurs en Picardie, Mélenchon agit comme un repoussoir. Ici, la seule connaissance que l’on a de la mixité culturelle est abondée par C-News et Cyril Hanouna. D’ailleurs dans cette journée on ne croisera pas un arabe ou un noir et personne n’est vraiment capable d’expliquer pourquoi on voterait pour le Rassemblement National. « La politique de Bardella c’est exactement la même chose que celle de Macron, la xénophobie en plus » rappelle Charles Culioli.

Conscient que Jean-Luc Mélenchon fait plus peur sur ces terres axonaises que Jordan Bardella, le candidat socialiste veut rassurer les habitants de sa circonscription, les travailleurs et les petits commerçants: « que les petits paient petit et que les gros paient gros » se plait-il à dire. Ce mardi matin, dans sa petite veste bleu marine, chemise bleu ciel et pantalon décontracté, il s’est prêté au jeu parmi chefs d’entreprises, investisseurs locaux au musée Jeanne d’Aboville de La Fère où se tenaient les « Mardis de l’économie. » L’exercice est périlleux mais Charles Culioli est autant à l’aise sur le terrain que dans un cercle de messieurs en costumes cravates. La souplesse d’une nouvelle génération politique rompue aux différentes variations de communication.

Après deux heures à La Fère, la petite équipe de Charles Culioli fait quelques détours ici et là dans un village tout proche. Ça court à la mairie, à la pharmacie ou au bar du village, ça alerte les cyclistes, tracts à la main et toujours avec ce sourire charmeur et l’œil qui frise.  « Regardez la boucle WhatsApp, on est près de 230 » nous glisse Ludivine Préneron. « Tous ne sont pas actifs de la même façon mais il y a une vraie énergie. »

Ce mardi, le candidat était présent à la gare de Laon pour dénoncer l’absence de train pendant les JO reliant Paris à l’Aisne.

Il est 10h00 et Charles fait tomber la veste, retrousse ses manches et nous sert des chouquettes. Courant et frappant aux portes, l’enfant du pays finit par tomber sur une pharmacienne qui a travaillé chez ses grands-parents: « il devait y avoir deux voix de droite dans le village de mes grands-parents et c’était eux » sourit le socialiste.  Un peu plus loin, dans un bar où on fume encore à l’intérieur, la patronne, la soixantaine bien tapée originaire d’ex-Yougoslavie,  est déjà convaincue, elle votera Bardella au premier tour des élections législatives. Mais Culioli ne se démotive pas et tract à la main, il tente et argumente: « Mais attendez, vous êtes soutenu par René Dosière, c’est mon ami depuis toujours ! Vous lui passerez le bonjour surtout !  » lui lance la patronne tout sourire.

Dans cette première circonscription, René Dosière est une figure politique respectée. Député socialiste pendant 20 ans jusqu’en 2017, maire de Laon dans les années 1980, il s’est battu pour ce coin verdoyant de la Picardie. La circonscription a connu principalement une alternance entre droite classique et le Parti Socialiste jusqu’à l’arrivée de La République En Marche avec Aude Bono de 2017 à 2022 qui a déroulé le tapis rouge au Rassemblement National en 2022 avec Nicolas Dragon. La circonscription qui porte le socialisme dans son ADN n’est pas une terre promise au Rassemblement National mais les gens y sont désabusés et écœurés par le macronisme et font désormais partie de ceux qui votent le plus RN en France. Charles Culioli en est conscient et même si le pari est difficile, rien n’est perdu pour le jeune avocat laonnois.

Engagé auprès des travailleurs, des syndicats mais aussi des agriculteurs locaux piliers essentiels de l’économie dans cette région rurale , Charles Culioli a plusieurs cordes à son arc. Sur le chemin du retour vers son QG de campagne sur le plateau de Laon en fin de matinée, il nous expliquera son combat pour faire respecter la loi EGALIM, l’importance de la filière du lin dans la région et celles qui restent à développer comme celle du chanvre.

Après une courte pause, le voilà reparti avec sa garde rapprochée dans les quartiers de la ville, toujours avec le même dynamisme. Il finira cette journée avec une manifestation avec les syndicats pour rappeler la brutalité et la casse sociale des années Macron. D’ailleurs les syndicats, Charles les connait bien. Parmi sa garde rapprochée, il peut compter sur un retraité de la CGT, baroudeur, il a fait les campagnes de Dosière et connait la circonscription qui compte près de 200 communes comme sa poche. « Il faut laisser la place aux jeunes, il fera un bon député, il sait s’adapter aux gens » sourit il entre nostalgie et désir de retrouver un avenir plus joyeux pour ce coin de l’Aisne où les services publics ont déserté.

Du terrain à la spontanéité sur les réseaux sociaux Charles Culioli en a fait sa marque de fabrique. Déclenchant une hystérie sur les réseaux sociaux, le jeune candidat à la plastique ravageuse et qui fait penser à celle de Bardella, sait ce qu’il fait et n’est pas gêné par ses admirateur-trices un brin intrusif-ves parfois. C’est qu’à la différence de Bardella, Culioli en plus de son corps donne volontiers toute sa tête bien plus remplie que son adversaire. Et puisqu’ils sont si bien faits, le corps et l’âme dévoués au bien commun, pourquoi cette France flétrie et abandonnée devrait-elle s’interdire de bander pour le socialisme une nouvelle fois ? Réponse, dimanche prochain.