Le week-end dernier alors que Barbara Pompili annonçait laisser sa place à sa suppléante afin de poursuivre une mission confiée par Matignon, le Courrier picard a suscité l’indignation de l’ex ministre et députée de la Somme en réduisant son choix à une position du Kâmasûtra.

Si l’allusion a fait sourire certains, elle est symptomatique de milieu masculin hétéronormé essentialisant tout ce qui pourrait lui être contraire. Une posture répandue dans les médias et partis politiques traditionnels encore trop souvent dirigés par des hommes et qui nous éloigne sans cesse des faits.

Jeudi 21 septembre, le JO officialisait par décret le prolongement de 6 mois de la mission de la députée En Commun, Barbara Pompili, sur l’acceptabilité des Zones à faibles émissions (ZFE). Son remplacement à l’Assemblée nationale par sa suppléante, Ingrid Saint Dordain, a donc été acté jusqu’aux élections législatives de 2027. Une manœuvre qui évite une législative partielle et la perte plausible d’un siège pour la majorité macroniste.

Un troisième mandat que Barbara Pompili n’achèvera donc pas, tout comme les deux précédents. En effet, elle avait quitté son siège durant son premier mandat en 2016 pour rejoindre le gouvernement de François Hollande comme secrétaire d’État chargée de la Biodiversité, puis une seconde fois en 2020, lorsqu’elle a été nommée ministre de la Transition écologique.

Une série d’interruptions qui va pousser le Courrier picard à titrer dans le weekend « Barbara Pompili en position démissionnaire. »  Un « sexisme obscène » selon la principale intéressée qui n’hésitera pas à le dénoncer sur les réseaux sociaux.

La « position démissionnaire » et… « le petit coup de plume » 

Mais la tournure, quoique douteuse, rend caduc tout commentaire sur le fond et force le lecteur à se focaliser sur la forme du titre. Impossible donc de dénoncer la manœuvre politique de Barbara Pompili qui empêche une législative partielle et ne termine pas son mandat. Le lecteur progressiste, délaissant ainsi la manœuvre politique, se focalise sur l’allusion du journal local réduisant le choix d’une femme politique à une posture sexuelle; un mécanisme d’essentialisation ravageur pour les faits. En milieu de semaine, le Courrier picard a fini par changer son titre remettant les faits à leur juste place: « La députée de la Somme, Barbara Pompili, démissionnaire pour la troisième fois. »

L’exemple aurait pu être unique et suffire à montrer les conséquences d’un entre-soi malsain dans les médias qui provoque incompréhension et manipulation au détriment des faits et de l’information.

Mais ce mercredi, un second exemple saute aux yeux. Le Canard enchainé cite le Courrier picard au sujet de congés menstruels proposés par la collectivité d’Abbeville et refusés par la sous-préfète d’Abbeville car ils ne sont pas prévus dans le code du travail. Si on connait l’esprit satirique de l’hebdomadaire du mercredi qui a ramassé « le petit coup de plume » du Courrier picard, il ne faudrait guère oublier sa tradition masculiniste se donnant des airs sympas et potaches mais toujours excluante, similaire à d’autres rédactions aux allures faussement franchouillardes et où la nostalgie et la frustration ont fini par former un épais brouillard entre elles et leurs lecteurs. Passons sur le fait que la proposition de la collectivité d’Abbeville devra être entendue par le gouvernement, sur le plan national tant ce pays a autant de retard que certains de ses observateurs qui le scrutent sans jamais le regarder dans les yeux.

C’est que, avouons-le, la satire qui a longtemps était le privilège des hommes bien souvent encouragés à en user et celle des femmes, une récurrence dans la littérature dont elles ont été souvent invisibilisées, à quoi bon s’étonner de ces sorties « entre-couilles » que certains tentent toujours de normaliser si ce n’est pour rappeler les changements qui s’opèrent au fil du temps. Sur l’ancienne colline de la domination masculine, on a toujours ri des minorités dont le plaisir de rire et de l’écrire a longtemps était nié. Mais rassurez-vous, mes bien chers frères, les choses ont bel et bien changé; alors, rions !

Photo Une Nutscape, DR, 2016, noisettes, CC

DT