A Amiens, lors du conseil municipal du jeudi 7 décembre, Hélène Delattre et Zoé Desbureaux, les deux élues communistes d’opposition, ont réitéré leur demande auprès de la maire UDI, Brigitte Fouré pour l’installation d’une maison des livreurs face au nombre croissant de ces travailleurs touchés de plein fouet par la paupérisation et l’ubérisation de la société.

La pratique de la livraison s’est répandue ces dernières années et les livreurs, frappés par des conditions de travail souvent indignes, sont de plus en plus nombreux dans les agglomérations. Photo d’illustration, Lyon, 2019. CC

« En 2020, le président des Restos du cœur affirmait voir régulièrement des jeunes en tenue UberEats faire la queue devant l’association » précisent d’emblée les communistes. Ces travailleurs, souvent acharnés, « livrent à manger toute la journée, mais ne parviennent pas à l’autonomie alimentaire grâce à cela. »

La majeure partie de ces jeunes travaille « pour des grandes chaînes prônant une économie très libérale et laissant à leurs livreurs le soin de s’équiper entièrement. Or, ces personnes sont souvent très précaires […] sont souvent des jeunes, isolé-es, en détresse alimentaire. De plus en plus de restaurateurs et restauratrices refusent de passer par ce genre de plateforme qui précarise les travailleurs et travailleuses. Pourrait-on réfléchir à encourager les initiatives respectueuses de l’environnement, des droits des salarié-es et qui contribuent à l’activité de notre ville ? » interrogent les élues.

« Un réseau de coursiers qui ne serve pas qu’aux restaurateurs d’ailleurs mais à tous les services et commerces amiénois ; l’association locale BeeFast par exemple, qui est d’ailleurs dans le réseau CoopCycle, semble bien reçue par les amiénois-es. Ne pensez-vous pas, comme nous, qu’il est temps d’offrir aux coursiers de la dignité et d’offrir aux restaurateurs et restauratrices d’autres solutions que celle de soutenir des plateformes qui mettent en danger leurs employé-es ? De faire de chaque amiénois-e un participant-e de l’économie sociale et solidaire? »

Des travailleurs « Uber usés » 

« Lundi 6 novembre passait à Amiens « la grande livraison », un convoi de travailleurs uberisés, pour ne pas dire Uber-usés, reliant Paris [à Bruxelles en passant par Amiens] à vélo afin de défendre la «présomption de salariat », reconnue par le parlement européen mais bloquée par la France. L’occasion pour eux de présenter la grande arnaque de l’uberisation prônée par le président Macron. Venus d’Autriche, de Belgique, d’Espagne et d’Italie, ces livreurs ont pu démontrer le retard de la France, pays des droits de l’Homme, sur les droits des travailleurs de ces plateformes, ils ont présenté les différentes initiatives mises en place par des syndicats et des collectifs de coursiers. »

« Le 2 décembre, les livreurs Uber étaient en grève pour protester contre la baisse de rémunération prévue par la plateforme. Certaines courses s’affichent désormais à 2€85, c’est trop peu » fustigent les élues d’opposition.

Une maison des livreurs à Amiens ?

« Pour notre part, depuis 2020, nous proposons de mettre en place un lieu commun à tous les coursiers afin qu’ils puissent se retrouver, se réchauffer, aller aux toilettes voire même se doucher. Ce lieu serait aussi l’occasion pour eux d’avoir accès à de l’information concernant leurs droits, peut-être même les sensibiliser aux bonnes pratiques du métier et à l’entretien de leur deux-roues, car, a-t-on besoin de le préciser, ils ne bénéficient d’aucune formation délivrée par les géants de la livraison à vélo » déplore Zoé Desbureux.

« De tels lieux se sont ouverts à Paris et à Bordeaux, ils fonctionnent et sont très appréciés des travailleurs et travailleuses. Nous vous avions posé la question de la possibilité d’une maison des livreurs à vélo en 2020 pendant la crise Covid, aujourd’hui cela concerne plus de 700 travailleurs à Amiens qui parcourent nos rues. Ne peut-on pas envisager sérieusement un tel lieu à Amiens ? Ils ont été d’une grande aide pendant la crise, ils font fonctionner les commerces, ils méritent que l’on s’intéresse à eux. Bien-sûr, ce n’est pas à la mairie de payer pour Uber et Deliveroo mais si nous ne le faisons pas, le feront-ils ? »

Un point qui n’a pas manqué de susciter l’intérêt de la majorité municipale. Marc Foucault vice-président au développement économique d’Amiens Métropole a toutefois répondu que cette idée « n’avait pas de succès jusqu’à présent puisqu’il y a juste Nancy, Bordeaux et un arrondissement parisien qui ont souhaité s’engager dans cette procédure de maison des livreurs. Je pense qu’on peut le comprendre, même si nous sommes sensibles à ces revendications, la solution naturelle est que ça soit les employeurs eux-mêmes qui répondent à leurs revendications et non pas les collectivités. »

Et de conclure « ces entreprises, on peut le constater, n’ont pas pris leurs responsabilités jusqu’à aujourd’hui et je suis d’accord avec vous, il faut souhaiter que cela change. »

Sensible aux revendications, le service économie et emploi de la mairie d’Amiens « pourrait évidemment recevoir une délégation de représentants de ces coursiers et livreurs qui, en effet, jouent un rôle important, c’est indéniable, dans la vie amiénoise. »