Le report des élections départementales au regard du contexte sanitaire, puis leur maintien les 20 et 27 juin alors qu’en avril, la population reste toujours confinée, ne favorise pas à stimuler l’intérêt des électeurs-trices, focalisés sur une sortie de crise qui se fait attendre.
Malgré ce désintérêt unanimement perçu par la classe politique, les partis de gauche comme de droite peinent à réagir et à rassembler leur force pour proposer de réelles alternatives politiques. En dépit du caractère inédit de la situation, rien ne semble changer. La guerre des chefs et des égos est lancée. Dans l’Amiénois, les candidatures se multiplient d’un camp comme de l’autre.
à gauche tous azimuts
C’est Laurent Beuvain, candidat communiste aux côtés de Dolorès Esteban dans le canton ouest d’Amiens, qui mettait en garde, la semaine dernière, les prétendant-es de plus en plus nombreux-ses aux élections départementales: « Je vous laisse donc méditer sur la démultiplication mortelle des candidatures départementales d’un camp ou d’un autre. Imaginons dans ce scénario plutôt une démultiplication des candidatures de gauche. Avec un RN (FN) toutes voiles dehors et des majorités sortantes, unies et majoritairement de droite, nous nous projetons vers des assemblées très bleues … du bleu très sombre au bleu libéral » s’inquiétait-il sur les réseaux sociaux.
Ce dimanche 18 avril, la France Insoumise de la Somme annonçait ses candidats aux élections départementales, des candidatures qui viennent directement en concurrence avec d’autres de gauche dont celles de la Somme en commun, union réunissant principalement le PC, le PS et EELV. Evelyne Becker, conseillère municipale LFI à Amiens, a justifié ces candidatures concurrentes au nord et à l’ouest d’Amiens par un manque de concertation évident de la part de la Somme en commun: « Plus rien n’était possible, ils avaient déjà fait la distribution de leurs candidats. Il aurait mieux valu du départ qu’on s’accorde sur un programme pour ensuite pouvoir discuter des candidatures. »
Les prétentions des formations politiques locales auront donc eu raison de l’union de la gauche tant vantée aux élections régionales. A Amiens Nord, les électeurs de gauche pourront certes voter pour l’union de la gauche, liste menée par Karima Delli, mais sur le plan départemental, ils devront choisir entre les socialistes Zohra Darras (conseillère départementale sortante) et Frédéric Fauvet (remplaçant le socialiste Francis Lec) et les insoumis-es Said Boudil et Charlotte Autain. Tous quatre seront candidat-es sur le canton nord de la ville (Amiens 2).
A gauche, la démarche est largement contestée et laisse apparaître moins les ambitions politiques en faveur des habitant-es que les prétentions personnelles de candidats ou de partis toujours plus gourmands.
la droite guettée par la division
Mais si la gauche patine, la droite n’est pas exempte de son lot de dissensions et de concurrence moins perceptibles mais pourtant bien réelles. Hubert de Jenlis, chef de file LREM dans la Somme revendiquait près de cinq candidatures dans le département, seul le canton d’Amiens 3 devrait être envisageable pour l’adjoint à la maire d’Amiens, canton où le communiste Jean-Claude Renaux qui vient de débuter son quatrième mandat de maire à Camon, se portera candidat pour l’union de la gauche aux côtés d’Esra Ercan. Un cadeau empoisonné pour Hubert de Jenlis qui doit mener des discussions avec l’UDI et LR tout en y étant exclu…
Et pour causes les accords passés sur le plan national par Les Républicains prohibent les rapprochements avec LREM. Composée d’élu-es LR, UDI et LREM, la majorité municipale d’Amiens avait déjà bénéficié d’une certaine souplesse lors des dernières élections municipales. Pour les élections départementales les rapprochements entre élu-es UDI et LR semblent nettement favorisés même si on préfère mettre en avant les candidats quelle que soit leur appartenance politique. Les conseillers départementaux sortants sont quant à eux de facto légitimes à se représenter, comme le précisait Stéphane Haussoulier, président du Conseil départemental (sans étiquette), lors d’une réunion rassemblant les élus de la majorité sortante Unis pour la Somme, ce vendredi.
Olivier Jardé (UDI), conseiller départemental sortant devrait donc repartir à l’attaque pour un nouveau mandat dans le canton d’Amiens sud-ouest (Amiens 7), tout comme Hubert de Jenlis, conseiller départemental sortant aux côtés de France Fongueuse (UDI) dans le sud d’Amiens (Amiens 6). Etiqueté LREM il devrait donc, au regard de son parti politique, migrer de canton ou être accompagné d’une candidate UDI. Pour le premier canton d’Amiens, la droite devrait annoncer une candidate LR ou éventuellement UDI aux côtés de Clément Stengel (UDI), maire adjoint au secteur ouest d’Amiens.
Le coup de sincérité de Bruno Bienaimé, référent LREM dans la Somme, à l’occasion des 5 ans du parti début avril, n’aura pas suffi à émouvoir la galerie : « On est un jeune mouvement politique, il est normal qu’on ait pas beaucoup d’élus sur le terrain » avait-il déclaré au micro de France bleu Picardie. La déclaration laissait présager quelques velléités de la part de la LREM pour les élections départementales qui part pour l’instant grande perdante dans la répartition des cantons.
Les dissensions d’Unis pour la Somme apparaissent clairement à l’échelle régionale, certains partent pour Xavier Bertrand d’autres pour Laurent Pietraszewski, le secrétaire d’État chargé des retraites et de la santé au travail, le candidat de la majorité présidentielle à l’élection régionale des Hauts-de-France, bref deux candidats déclarés déjà pour la droite face à Karima Delli, candidate de la gauche unie.
La proximité contre l’extrême droite
Ainsi, la multiplication des candidatures malgré les unions à droite comme à gauche, les élections régionales concomitantes et la crise sanitaire laissent présager une situation propice à une montée de l’extrême droite comme le relevait Laurent Beuvain.
Mais à gauche, la plupart évite le sujet et on préfère oublier les candidatures dissidentes et miser tout sur le terrain et la proximité: « C’est en étant sur le terrain, proche des gens et plus à même de trouver les solutions que les gens feront la différence entre les candidats » lâche Lucien Fontaine, candidat (Génération.s) aux côtés de Marion Lepresle (Génération Ecologie) dans le canton sud-ouest d’Amiens (Amiens 7).
Une proximité nécessaire pour cette élection locale qui demande une identification claire du candidat.e dans la vie des citoyen.nes. Reste à savoir si elle sera suffisante pour convaincre les électeurs appelés aux urnes à renouveler massivement les 46 conseillers départementaux répartis sur les 23 cantons de la Somme.