A Creil, près d’une quarantaine de logements, permettant aux internes de médecine du groupe hospitalier public du Sud-Oise de se loger, seraient concernés. Peinture qui s’effrite, humidité, suintements, frelons…; la liste est longue mais les étudiants, parfois étrangers, osent à peine témoigner pour dénoncer ces conditions de logement difficiles.

La direction de l’hôpital, consciente du problème, nous a confié que des travaux devraient être engagés en 2023, en partenariat avec l’Agence Régionale de Santé.

A Creil, les internes sont logés dans des conditions extrêmes. Un cadre de vie pour ces jeunes soignants qui peut avoir des incidences sur leur quotidien professionnel et le traitement des patients. © Amiénois-e.fr

« Pas de chauffage dans certaines chambres, toutes les tuyauteries fuient et pourtant ce sont des logements qui nous sont attribués pour le semestre, les logements des internes du centre hospitalier de Creil sont dans l’insalubrité la plus complète » nous confie sur place, l’un d’eux, exaspéré par la situation.

Son installation n’a pas été simple. Chasse d’eau à l’eau chaude, fuites multiples ou volets cassés; un vrai périple pour ce jeune interne de Creil originaire d’Amiens: « après de multiples mails et appels tout est réglé enfin dans mon logement. Je n’ai plus de fuite, les volets fonctionnent et les WC ne sont plus alimentées à l’eau chaude, ça c’était vraiment bizarre » se souvient-il.

Au centre hospitalier de Creil, plusieurs internes dénoncent des conditions de logement insalubres et dangereuses. © Amiénois-e.fr

Il n’en reste pas moins que ces logements, octroyés aux internes et dont la participation financière est indexée à une prime, sont pour la plupart vétustes et parfois dangereux. « Quand on voit l’actualité à propos des déserts médicaux, des hôpitaux qui ont du mal à fidéliser et que tu vois comment au final on est réellement traité, tu te dis qu’il y a une forme d’hypocrisie » nous confie l’interne logé sur place.

« Heureusement l’hôpital est dans un meilleur état » tente t-il tout de suite de nous rassurer. Et la précision est loin d’être anodine dans un système hospitalier qui loge ces jeunes soignants dans des conditions qu’ils jugent déplorables. Les internes en médecine sont outre les médecins de demain mais surtout des étudiants praticiens de 7e année qui touchent une indemnité de stage peu comparable à un salaire de médecin; autant de conditions d’exercice et de formation qui provoquent parfois un tri social parmi les futurs professionnels qui doivent compter plus longtemps sur leur entourage familial.

Un contexte qui empêche également un bon nombre d’entre eux d’évoquer certains problèmes par peur ou par honte.

A Creil, les chambres de l’internat sont dans un état déplorable d’après plusieurs internes en médecine. La situation serait comparable au centre hospitalier de Senlis. Ici, le plafond d’une des chambres, à Creil. © Amiénois-e.fr

« Le pire dans l’histoire, c’est qu’on laisse les logements les plus insalubres au FFI: les faisant-fonction d’interne. Ici, ce sont surtout des internes africains pour la plupart » poursuit le soignant, conscient des conséquences directes et indirectes autant sur les patients que sur les autres étudiants logés sur place: « comme nous (les internes NDLR), ils viennent ici en stage. Pour certains c’est juste l’occasion d’être formé en France, ils sont parfois même très souvent déjà docteur en médecine dans leur pays, pour d’autres c’est aussi une façon d’apprendre ici et pour passer après les équivalences et concours de médecin à titre étranger, pour exercer en France. »

« Le pire c’est qu’on laisse les logements les plus insalubres aux FFI. A Creil, ce sont surtout des internes africains pour la plupart »

Un statut ambigu qui les dissuade de témoigner: « j’ai essayé de les convaincre de témoigner pour dénoncer l’insalubrité des chambres mais rien à faire, ils ont peur des représailles, leur statut est un peu bâtard » s’excuse le jeune homme.

Alors que le service des urgences de Senlis est fermé depuis un an, les patients doivent depuis se rendre au centre hospitalier de Creil. L’hôpital est sur-sollicité, les soignants également. © Radio Parleur

« Consciente de la problématique des chambres d’internat, la Direction du GHPSO a travaillé ces derniers mois sur des mesures importantes de rénovation de l’hébergement des internes » nous précise t-on au centre hospitalier de Creil. « Une phase de travaux de fond sera enclenchée en 2023 afin d’améliorer les conditions d’accueil et de rendre le GHPSO plus attractif. Ce projet est soutenu et financé par l’ARS qui accompagne l’établissement. »

Interrogée sur l’attribution des logements pour les « faisant-fonction d’interne », la direction ne s’étend pas sur le sujet.

Dans les coulisses, parmi le personnel, on nous rapporte pourtant au détour d’une réunion que « la différence de traitement entre les internes et les faisant fonction d’interne est totalement assumée »; un écœurement de plus pour certains.

DT