Emmanuel Macron a été réélu ce dimanche 24 avril 2022 avec 58,5% des votes face à Marine Le Pen (41,5%). Le président a pu compter sur 18 779 641 français-es pour l’élire, Marine Le Pen 13 297 760 quand l’abstention et les votes blancs ou nuls ont atteint un niveau record, frôlant le cap des 17 millions d’électeur-trices (16 675 099).

Entre défiance et déception, le deuxième parti de France pour cette élection, est bel et bien l’abstention.

Le niveau d’abstention n’aura pas été si faible depuis 1969. A l’époque, le second tour de la présidentielle avait été boudé par 31,1% des inscrit-es. Ils étaient nombreu-ses à ne pas vouloir arbitrer le duel entre Georges Pompidou, finalement élu, et Alain Poher. A l’appel du candidat communiste éliminé au premier tour, les électeurs de gauche avaient massivement refusé de choisir, préférant l’abstention plutôt que les compromissions funestes.

En 1969 et 2017 aussi, l’abstention a augmenté entre les deux tours de la présidentielle, c’est seulement la troisième fois avec l’élection présidentielle de 2022. En effet, l’abstention a augmenté de 2,7 points par rapport à son niveau du premier tour qui était d’environ de 26,3%.

En 2017, alors que le duel opposait déjà Emmanuel Macron et Marine Le Pen, l’abstention s’établissait  à 25,4%, soit une hausse de 3,2 points entre le premier et le second tour. Des signes récurrents de l’essoufflement du régime présidentiel qui nuit de plus en plus à la démocratie attendue par les citoyen-nes.

La gauche à « 421 420  » voix près 

La gauche absente du second tour a également participé à faire augmenter l’abstention.  Alors qu’il ne manquait que 421 420 voix à Jean-Luc Mélenchon pour accéder au 2nd tour de l’élection présidentielle, une large majorité de la gauche a préféré s’abstenir alors même que les minorités se sont retrouvées instrumentalisées par un vote pour ou contre leur survie; une invraisemblance de plus qui effrite encore une fois la confiance des électeur-trices vis-à-vis du régime présidentiel.

Ainsi, lors de la consultation lancée par Jean-Luc Mélenchon entre les deux tours, le vote blanc ou nul est arrivé en tête chez les Insoumis, avec 37,65 % des 215.292 voix exprimées, le vote Macron arrive ensuite avec 33,4 % des voix, devant l’abstention avec près de 29 %; l’abstention et le vote blanc correspondent à une large majorité à gauche même si une frange a souhaité voter Emmanuel Macron au second tour. D’après un sondage Ipsos, 42% des électeur-trices d’Emmanuel Macron auraient voté pour lui afin de faire barrage à Marine Le Pen; un président bien réélu mais avec le vote de plus d’un tiers des Insoumis, loin d’un vote d’adhésion.

 

Un vote extrémiste plus « anti Macron » que xénophobe

Instrumentalisées, les minorités LGBTQIA, musulmanes, noires ou exilées, l’ont été. Mais de ces scènes d’annonce des résultats comme à Hennin-Beaumont, c’est un profond découragement que l’on décèle plus qu’une haine de l’autre, un désarroi profond et l’envie de jouer le coup de poker -peut-être de trop- qui pourrait tout changer.

Les électeurs de Marine Le Pen c’est aussi la France Euro millions, la France où on a tout perdu et où on peut tout miser parce que l’on n’a plus rien à perdre, cette France où on nous a tout pris même le loisir de croire en un-e politique qui pourrait nous sortir de notre destin.

Ca n’est pas que la France des racistes, c’est la France de la peur, c’est la France triste où les lendemains ne chantent plus, la France perclue et recluse qui se mue dans un mépris et dans un état qu’elle identifie si mal, la France des oublié-es de la mondialisation, celle d’Emmanuel Macron, c’est la France qui a traversé la rue tant de fois en espérant y trouver quelque chose d’autre que du mépris; mais ça n’est pas toujours la France que l’on croit.

Les 42% d’électeur-trices qui ont voté Marine Le Pen sont aussi ceux à qui on ne laisse plus le choix si ce n’est de faire face à l’incompréhension d’un régime présidentiel enfermé dans sa tour d’ivoire.

Mais si ces quelque 13 millions d’électeur-trices voient leur candidate échouer, les 16 millions d’abstentionnistes demandent eux bien plus qu’un représentant politique. Il est davantage question ici d’un besoin profond d’équilibre et de réformer, moderniser la Ve République, désormais, bien trop souvent synonyme d’institutions incomprises et dysfonctionnantes.