Alors que la situation n’a jamais été aussi tendue pour les usagers des lignes ferroviaires des Hauts-de-France, à l’occasion du comité de dessertes de l’étoile d’Amiens, la SNCF a officialisé la suppression d’environ 140 trains par jour d’ici la fin du mois d’octobre.
Des suppressions qui représentent plus de 11% du trafic global alors que certaines lignes sont déjà saturées. Un choix de la SNCF largement critiqué par la Région et les élus locaux; « parmi l’échelle des crises à la SNCF, celle que nous vivons est hors critères […] c’est catastrophique » s’alarme le maire-adjoint à l’environnement de Saint-Quentin, fortement impactée par ce nouveau Plan de Transport Adapté (PTA) imposé par la SNCF par « manque de personnel » .
Le mois de septembre a été cauchemardesque pour les usagers du train dans les Hauts-de-France et particulièrement en Picardie. Des trains surchargés qui ne partent pas à l’heure ou d’autres purement supprimés à quelques minutes de leur départ initial, il y en aurait plus d’une vingtaine par jour recensée par le collectif des Usagers du Ter HDF; la situation devenue quotidienne a de lourds impacts sur la vie des usagers du train. Elle reste d’autant plus inquiétante au regard de la gestion du carburant de ces derniers jours.
Que faire face au désarroi des usagers ? Les représentants de la SNCF sont restés bien muets, ce jeudi soir, face aux éventuelles solutions à apporter à un usager qui a sorti ses 88 bulletins de retard fournis à son employeur et accumulés depuis avril. Preuve s’il en fallait du délitement orchestré de ce service public: « La SNCF fait des hypothèses sur les répercussions de ces suppressions mais ne sait même pas ce que ça peut provoquer chez les usagers » précise Thomas Hutin, conseiller écologiste des Hauts-de-France.
« Tout le monde était catastrophé, ça a été choisi dans un bureau, sur papier, ils ne se sont pas déplacés dans les trains, ne se sont pas appuyés sur le personnel dans les gares pour prendre leurs décisions »
Michel Magniez, adjoint au maire de St-Quentin et usager de la ligne St-Quentin/Amiens à propos du PTA qui entrera en vigueur le 24 octobre.
« Le mot naufrage a été prononcé, c’est catastrophique, on va pénaliser des étudiants, des salariés qui empruntent les transports quotidiennement » , s’inquiète Michel Magniez, l’adjoint à la maire LR de St Quentin. « Tout le monde était catastrophé, ça a été choisi dans un bureau, sur papier, ils ne se sont pas déplacés dans les trains, ne se sont pas appuyés sur le personnel dans les gares pour prendre leurs décisions » déplore t-il. Avant de préciser: « C’est surtout le choix des lignes qui pose question, quand je vois Compiègne-Amiens, c’est 6 trains en moins, parfois des suppressions sur des lignes qui n’ont déjà pas un grand nombre de trains. Supprimer le dernier train Amiens-Saint-Quentin ou le premier train Saint-Quentin/Paris ça ne se fait pas, ce sont des trains importants par définition » .
« Est-ce que les proches des décideurs de la région prennent le train ? Ils ne sont même pas usagers » rappelle Thomas Hutin, lui aussi usager régulier du train. « Il faut quand même rappeler que certains usagers n’ont pas d’alternative au train. Et baisser l’offre en pleine crise du carburant reste incompréhensible » .
La faute au COVID, aux absentéistes, aux vaches et aux tempêtes selon la SNCF
De son côté la SNCF justifie de telles suppressions par un manque de personnel structurel. Une crise de recrutement qui s’est inévitablement aggravée depuis la réforme du statut des cheminots entrée en vigueur en janvier 2020 qui a précarisé les nouveaux personnels.
« Aujourd’hui, il nous manque 65 conducteurs pour assurer le plan de transport, à la source, la Covid, le gel des écoles pendant plus d’un an et l’augmentation de l’absentéisme alors que les besoins augmentaient » précise la direction qui n’a pas hésité a servir autant de justifications qui sont apparues plus que surprenantes pour l’assemblée réunie. « La crise COVID a été la même pour tout le monde, pourquoi notre région a t-elle été autant impactée ? » s’interroge le saint-quentinois.
« Les événements externes qui mettent en tension les TER sont en volume 25% supérieurs aux autres territoires, tempêtes, heurts avec des animaux, accidents aux passages à niveau ou des incidents caténaires » s’est justifiée ce jeudi 13 octobre la direction lilloise de la SNCF, minimisant par là, le manque d’investissement et d’entretien du réseau qui s’est vu dégradé vitesse grand V.
Mais ce réseau vieillissant devrait pourtant accueillir d’ici 2025 de nouvelles rames supplémentaires avec la création du TERGV Picardie/Roissy, l’occasion de refondre entièrement les horaires pour 2027 a été toute trouvée mais sans réels engagements écrits de la part de la région et de la SNCF sur la préservation de certaines lignes et horaires, notamment sur l’axe Amiens/Creil/Paris.
« Toutes les tranches horaires sont concernées par les suppressions »
Contrairement à ce qu’a annoncé la SNCF, les suppressions, pour ce nouveau PTA, ne concerneront pas uniquement les trains aux heures de pointe mais également des trains à l’heure actuelle très peu nombreux en journée: « Pas de jaloux, toutes les tranches horaires sont concernées, lors des heures de pointe, les usagers devraient se rabattre sur le suivant mais dans certains cas, les trains sont déjà surchargés, que se passera t-il ? Même si nous parvenons à négocier certaines suppressions de train, l’esprit du PTA a été acté« , regrette Michel Magniez fustigeant un manque de communication et d’organisation de la part de la SNCF.
« Parmi l’échelle des crises à la SNCF, celle que nous vivons est hors critères »
Michel Magniez, maire-adjoint de St Quentin au sujet de la situation de la SNCF dans les Hauts-de-France.
Un sabotage du service public en règle
La CGT présente lors du comité de dessertes ce jeudi à Amiens, a par ailleurs rappelé qu’une cinquantaine de réorganisations avaient été effectuées ces dernières années. « Quand c’est une réorganisation permanente c’est une désorganisation permanente au détriment des personnels et usagers » , nous confie l’élu écologiste.
Un reproche loin d’être démenti par la SNCF elle-même ce jeudi soir: « Les différentes adaptations successives pendant la crise sanitaire ont fragilisé la qualité de service en « fixant » les ressources de conception sur les éléments de court-terme » .
Une vision court-termiste au frais des citoyens et des conditions de travail des personnels qui semble aujourd’hui avoir des répercussions sur toute la région, particulièrement en Picardie.
« La région explique qu’elle n’a pas été consultée mais bien sûr qu’elle a été prévenue ! On se sert de ça pour rendre l’ouverture à la concurrence plus légitime mais il faut qu’ils arrêtent de se renvoyer la balle »
Thomas Hutin, conseiller régional écologiste d’opposition au sujet de la gestion du ferroviaire par Xavier Bertrand, président de la région HDF.
« Nous à la région ce qu’on demande c’est que les usagers soient entendus. Il s’agit encore d’un service public et la SNCF ignore complétement ses usagers » martèle Thomas Hutin, conseiller écologiste d’opposition des Hauts-de-France. « De son côté, la région explique qu’elle n’a pas été consultée mais bien sûr qu’elle a été prévenue ! On se sert de ça pour rendre l’ouverture à la concurrence plus légitime mais il faut qu’ils arrêtent de se renvoyer la balle. »
Et on va nous faire croire que la privatisation du réseau va tout améliorer ! Quand on tue le service public, voilà le résultat. Où êtes vous @xavierbertrand & @FDhersin ? #Amiens pic.twitter.com/Bo0WVkrPg6
— Lucien Fontaine (@fontainelucien) September 9, 2022
« Si le réseau n’est pas bon, l’ouverture à la concurrence ne résoudra pas le problème » nous confie de son côté Michel Magniez. « Pour moi, c’est un sujet différent, ce qu’il faut avoir en tête, c’est qu’il y a des métiers qui sont difficiles, des gens qui ont perdu en conditions de travail mais ce que l’on reproche à la SNCF, c’est la situation actuelle et c’est une question qui concerne la SNCF, un problème de méthode – on n’anticipe pas – on n’informe pas – on répète toujours les mêmes choses » .
Avant de conclure: « Les gens qui prennent des décisions sont déconnectés de la réalité de terrain, on manque de conducteur mais certainement pas de directeur » .